vendredi 2 novembre 2018

"Shanghaï ... Me voilà" - Les 28 et 29 octobre



Ce sont mes dernier jours à Shanghaï, et en Chine ...  avant... longtemps ! 


Vendredi 28 octobre
Le soleil est revenu !

C’est pourtant aujourd’hui que je décide de ne pas aller trop loin et de me contenter d’activités modestes et reposantes, parce que ces dernières excursions lointaines sous des pluies incessantes m’ont fatiguées. Et puis, je n’ai plus aucune raison d’aller dans les magasins puisque j’ai trouvé de quoi satisfaire tout le monde à mon retour en France.  Sans parler des emplettes que j’ai faites pour mon plaisir. J’ai même été obligée d’acheter une petite valise supplémentaire. Je l’ai choisie rose fluo avec un nounours imprimé en relief !

Ce matin, je vais chez le coiffeur. Oui ! C’est quelque chose que je ne fais pratiquement jamais. Surtout pas depuis qu’à Pékin, mes cheveux avaient été teints en bleu avec quelques mèches vert kaki pour faire bonne mesure … On avait été obligé de couper ma chevelure à deux centimètres du crâne, pour la toute première fois de toute ma vie. Car, auparavant, jamais je n’avais eu les cheveux courts. Ils avaient repoussé blond doré, tout ondulés. Ma foi ! J’en suis très contente. Mais sur le coup, j’avais pleuré des seaux de larmes…

Toutefois, hier, après bien des hésitations, j’ai décidé de tenter ma chance, jugeant qu’il serait bien d’égaliser les bouts. Prenant mon courage à deux mains, je traverse l’énorme carrefour en bas du Merry Hotel et entre dans la boutique du coiffeur. Comme je n’ai pas l’habitude de ce genre d’endroit, je suis mal à l’aise. J’en deviens timide. Néanmoins, j’arrive à me faire comprendre du beau jeune homme qui me fait asseoir devant un miroir. Je veux qu’il coupe, à sec, pas plus de cinq centimètres. Pas de problème. Il se met au travail avec diligence et l’affaire est réglée en quelques minutes. Mais ensuite, il ne peut s’empêcher de m’infliger un lissage, car, pour les chinois, mes « frisouilles » sont une véritable disgrâce … Je le laisse faire. L’air est tellement humide que son lissage ne tiendra pas plus de quelques minutes !
  
Dans l’après-midi, pour profiter de ce retour du beau temps, je sors en direction du Temple d’Or, celui que j’avais visité le lendemain de mon arrivée. Je n’ai pas l’intention d’y retourner, mais j’adore la passerelle fleurie et la vue que l’on a de là-haut. Et puis, je veux revoir le jardin au petit étang décoré de statues de grenouilles qui crachent de l’eau. J’adore les bruits d’eau … Arrivée là, je me sens flotter sur un petit nuage de mousse vert émeraude environné de papillons … Le murmure doux et régulier des filets d’eau qui s’échappent des bouches de ces gentils batraciens me transporte. Cela me rappelle mon ancienne propriété d’Anjou. Il y avait une belle mare et le soir, on entendait chanter grenouilles et crapauds. J’y élevais des carpes Koï. Elles s’étaient mariées et avaient fait des centaines d’enfants : rouges, noirs, blancs, et multicolores. Jusqu’à ce que Jupin leur envoie un roi, un grand héron gris cendré, qui était devenu l’ennemi publique numéro un. Il s’empiffrait de petits poissons au point d’avoir l’estomac si lourd qu’il ne pouvait plus s’envoler  quand je lui criais ma réprobation  au sujet de ses excès de table !

Je marche très doucement sur les allées cimentées, croisant promeneurs solitaires ou couples d’amoureux. Les oiseaux sautillent à leur aise. Les rayons du soleil percent les hautes frondaisons qui en atténuent les ardeurs. D’ailleurs les pluies de ces derniers jours ont fait tomber la température. On se sent beaucoup mieux.

De façon inattendue, une image me revient. Une image toute récente. Alors que Lu Xu et son époux me reconduisaient dans leur énorme SUV – BMW, nous ne parlions pas. Je regardais les reflets des éclairages urbains sur les verrières des gratte-ciels. Et là, s’était superposée l’image du ciel étoilé tel que je le vois l’été, à la Musardière, quand je sors la nuit pour contempler la Voie Lactée et les constellations …


Ces statues ornent le petit parc que j'aime tant. Elles représentent des aborigènes, des gens du sud... Cachées derrière les buissons, on les découvre quand on ne s'y attend pas. Elles me plaisent beaucoup....Elles sont si vivantes ! 


Ce petit parc, si vert après les pluies de typhon, me rappelle les couleurs de ma belle province d’Anjou. Au fond, c’est normal. La boucle est bouclée. Et je vais bientôt m’envoler pour l’Europe.
« L’Europe … C’est où ? »
« C’est loin. »




Le parc proche du Temple d’Or est entièrement dominé par les gigantesques immeubles des alentours. C'est ma dernière promenade sous les « French trees »


Samedi 29 octobre
Dernier jour à Shanghaï, en compagnie d’Edouard

Depuis que je suis installée ici, je passe de très longs moments – et plus particulièrement le matin – sur les réseaux sociaux : WeChat, Facebook et WhatsApp. J’envoie des photos, des messages, je converse en videophonie, enfin, je me lâche ! C’est que je WiFi fonctionne tellement mieux que chez moi ! Et puis, je suis si heureuse ici que je tiens à partager avec tous mes amis. Plus besoin d’abonnements spéciaux car tout est gratuit. Avec un smartphone, on peut maintenant aller partout dans le monde – à condition d’avoir du WiFi – et garder le contact avec la totalité de ses correspondants. Trop top !
C’est donc par WeChat qu’Edouard ma prévenue qu’il viendrait me chercher en fin de matinée, et je l’attends, installée comme une princesse sur le plus confortable fauteuil du grand hall de la Réception de l’hôtel, très occupée à bavarder avec Yann de Canton.

Edouard arrive en Roewe. Je suis très excitée ! J’adore les voitures et je n’ai pas encore vu de Roewe. Rien qu’au nom, on peut deviner que les chinois se sont inspirés de la marque anglaise Rover, marque aujourd’hui disparue. Mais elle trouve son prolongement - sa descendance en quelque sorte - dans la Roewe, création de la Société Automobile de Shanghaï. Ce sont des berlines de prestige et le logo est magnifique. Je monte avec empressement et m’installe, béate de plaisir, dans un siège au confort incomparable. Goguenarde, je pense que le régime communiste a du bon ! Le communisme à la chinoise, bien évidemment ! Et après une pensée émue et reconnaissante pour le Petit Timonier – le très aimé et regretté Monsieur Deng Xiaoping – je me tourne vers Edouard pour prendre de ses nouvelles, car lundi, il souffrait beaucoup du dos…

Il me rassure. En ce moment, il y a rémission. Il est allé consulter un savant docteur qui lui fait du bien. Je pense, moi, que son mode de vie est tout à fait malsain, et que c’est la cause de son mal.  Il le sait bien ! Mais il n’est guère facile, à ce stade de sa carrière, de changer de mode de vie. Toutefois, aujourd’hui c’est mon dernier jour à Shanghaï, et lui n’est pas trop occupé, ce qui est bien rare. Aussi décidons-nous de ne plus parler des sujets fâcheux !

Nous allons chez l’opticienne, Karman, qui doit avoir terminé mes lunettes. En effet ! Elle nous accueille avec empressement, nous fait assoir au fond du magasin, puis apporte tout ce que j’ai commandé. J’essaie et suis absolument enchantée. Non seulement les montures me vont très bien, mais j’y vois infiniment mieux qu’avant. Presque trop bien ! Edouard, lui, est myope et porte des lentilles de contact – monsieur est coquet. Karman lui propose des tas de choses et l’emmène pour mesurer son degré de vision. Cela prend beaucoup de temps, mais je ne m’ennuie pas du tout. J’essaie toutes les montures qui me semblent les plus amusantes et les jeunes vendeurs et vendeuses, hilares, me prennent en photo ! Puis, je vais jouer avec le chien. C’est un labrador couleur crème, à poils ras. C’est sans surprise, comme tous les chiens, il m’adore !



Laquelle préférez-vous ?
                               Victoria m’a dit que j’aurais dû acheter les montures à fleurs !

Au moment où je commence à me lasser du chien, Edouard en a terminé. Il est très content et promet à Karman de lui amener de nouveaux clients, car les gens qui portent lunettes dans son entourage sont nombreux. Echange de cartes de visite. Echange de contacts WeChat pour la communication directe. C’est parfait !
Quand je pense qu’en France, je n’ai jamais rencontré personne capable de produire une carte de visite ! Les gens haussent les épaules et n’en comprennent même pas l'intérêt ! Ou alors, cela leur semble « snob » … Mais ils se vexent quand on ne comprend pas leur nom, ou qu’on l’orthographie de travers, et s’étonnent que l’on ne reprenne pas contact ultérieurement …

Edouard me dit que nous allons déjeuner. Nous remontons en voiture, mais je le vois soudain grimacer de douleur. Il étouffe un gémissement. Le mal au dos a repris. Pourtant il a passé des radios et même un IRM, et il n’a rien. C’est donc musculaire. Mais il mène une vie de dingue. Il est toujours assis : en voiture, à son bureau, en avion, au restaurant, à la maison … Il mange bien, des aliments trop riches qui lui donnent du cholestérol, et il a de la tension. Par ailleurs, il est entre plusieurs femmes, passées, présentes et à venir … Quant à ses affaires, à travers le peu que j’ai compris de ses incessantes conversations téléphoniques, c’est la grosse pression ! Alors, ses douleurs me semblent assez facilement explicables.
Mais en Chine, on ne considère jamais le côté psychologique. Il n’y a ni psychiatres, ni psychologues. Personne ne fait de dépression ou ne souffre de maladies « psychosomatiques ». Une fois de plus, ce n’est pas comme en France !

Comme nous avions décidé de ne plus parler des sujets fâcheux, nous nous y tenons. Le taxi prend la direction de l’ancienne concession française. C’est qu’Edouard m’emmène dans un restaurant du Yunnan, qui s’appelle Lost Heaven. Le Paradis Perdu. Comme c’est joli et nostalgique. La Chine aura été mon paradis perdu, en quelque sorte. Le Yunnan, c’est le « Sud Nuageux », la plus belle province de Chine, celle où l’on trouve le plus de minorités ethniques – c’est-à-dire non Han - Le cadre est très beau, chic et raffiné. Toute la décoration est d’un goût parfait, car il s’agit justement d’œuvres d’art produites par ces minorités.  La cuisine, à l’avenant. Edouard se détend et nous parlons à mi-voix comme les vieux amis que nous sommes. On nous sert du poulet, du porc, du tofu et naturellement, des légumes sautés. Tout est délicieux. Vraiment chinois, cette fois ! Nous trinquons. Lui, avec un jus de fruit, moi avec une bière. Je sens que nous avons tous deux conscience de vivre un de ces moments privilégiés que l’on oublie pas …

Et voilà ! Une fois de plus Edouard est remonté dans un taxi ! Nous nous sommes dit au revoir parce que demain, je dois reprendre l’avion pour l’Europe et que lui, a déjà des engagements trop importants pour pouvoir me conduire à l’aéroport. Mais il m’enverra un chauffeur. Maintenant que je connais le quartier presque comme ma poche, je pars à pied, pas du tout pressée de regagner ma chambre d’hôtel. Il fait très beau, le soleil brille dans un grand ciel tout bleu sans nuage, et une brise légère vient me caresser le visage de la plus douce façon. C’est idyllique ! Et je marche, je marche, des heures. C’est que j’entends profiter au maximum de mon dernier jour à Shanghaï.

La boucle est bouclée. Je me retrouve dans le quartier où Edouard m’avait emmenée dîner le soir de mon arrivée. Il faisait nuit. Il pleuvait. Mais je reconnais tout de même l’endroit. Je prends une large avenue à l’angle de laquelle il y a une sculpture moderne très étrange. 


C’est un immense cercle de métal rouge, au milieu duquel marche une femme très maigre qui a l’air d’avoir été faite en papier argent compressé. Pour mon goût, c’est très laid. Mais cela peut servir de repère. Le quartier est hyper chic. Sur les avenues, très fleuries, on ne voit rouler que des Maserati, Aston Martin, coupés Mercédès. Les superbes Audi font presque figure de parent pauvre … Quant aux gens qui marchent sur les trottoirs presque aussi larges que les rues, ils sont tous hyper branchés. On dirait des « aliens » !

Et tout à coup, je vois une pauvre femme qui mendie. Assise par terre, dans ce quartier de millionnaires déconnectés de la vie réelle à force d’être connectés au monde virtuel, elle est à elle seule un rappel de ce qu’est encore la Chine profonde. Elle a un très gentil visage, et tient dans ses bras un enfant maigre mais déjà assez grand. Je la regarde et la dépasse. Puis je m’arrête et prends un billet dans mon beau portefeuille de satin rouge, et je reviens sur mes pas.
« Bonjour – lui dis-je – C’est ton fils ? »
« Oui. Il a 16 ans. Mais il ne peut pas marcher … »
Pauvre, pauvre chérie … Quel chagrin… Elle n’a que quelques petites piécettes dans sa sébile. Je lui glisse mon billet dans la main. Gros pour une aumône dans la rue. Dérisoire pour son malheur. Un immense sourire illumine son visage. Je la quitte pour continuer ma promenade. Puis, je me dis qu’il me faut rentrer avant d’en être incapable, et que j’ai encore mes valises à préparer. Je repasse donc devant elle, marchant en sens inverse. Elle me crie joyeusement :
« Merci encore ! Bonsoir ! » Son sourire est si heureux, si naturel, si amical ….
Ca me serre le cœur.

Maintenant, je suis vraiment fatiguée. Je me hâte. Mais là, il faut attendre que le feu passe au vert pour les piétons. On est discipliné, à Shanghaï. J’attends donc que les BMW, Buick Shanghaï, Lamborghini et autres stars du top mondial de l’automobile s’arrêtent, pour me lancer sur la chaussée. Vient en face de moi un très beau jeune homme. Grand, bien bâti, « l’allure souple et féline » à la fois conquérante et modeste, heureux de vivre, confiant en la beauté du monde. Type américain ou allemand. Il porte un jean, une jolie chemise et un petit sac. Il a le teint et les cheveux clairs. En me croisant, il me salue très galamment, de façon assez appuyée, avec un grand sourire et des étoiles plein les yeux – c’est ce que je dis des gens que je sens heureux – J’avoue qu’il me faut une ou deux secondes pour réaliser que c’est bien à « moi » qu’il s’adresse. Alors, je réponds un joyeux mais digne « Hi ! » accompagné d’un sourire certainement ravi !

Je regagne ma chambre sur un petit nuage bleu pâle tout frangé de minuscules étoiles clignotantes. Une douche très chaude me défatigue et j’entreprends, avec succès, de boucler mes valises. Ce soir, je n’ai plus rien à lire, et la télévision chinoise n’est pas regardable. Alors, je me couche tôt pour être en forme demain.

 

         

Ma Tour préférée à Shanghaï …
                                    Dans cette tour se trouvent les bureaux de Saint Gobain


Dimanche 30 octobre
Du Merry Hotel à La Musardière

Le matin, un taxi privé, envoyé par Edouard, m’a déposée à Pudong International Airport, avec mes deux valises, mon sac du Yunnan, et Lucullus.
Je suis montée dans un Boeing 777, dans la cabine supérieure, où j’avais un siège à côté d’un ingénieur allemand de Stuttgart. Ce monsieur, grand et fort bel homme, était très protecteur, aux petits soins pour moi, attentionné comme une nounou. C’était charmant ! J’ai beaucoup apprécié. Nous avons un peu parlé, fait de petits commentaires sur ceci ou cela. Puis j’ai regardé le film « Gladiator », bien que ce soit très violent, parce que j’apprécie beaucoup Russell Crowe. Surtout depuis que j’ai vu « Master and Commander : De l’autre côté du monde ».

Notre Boeing est arrivé en début d’après-midi à Roissy, et j’ai pu prendre mon TGV à l’heure, et rencontrer Victoria et sa famille à la gare de Massy, où je devais changer de TGV. C’est toujours un bonheur de la revoir ! Et puis, j’avais été chargée de tellement de cadeaux pour elle, sans parler de ce que je lui rapportais moi-même, que j’étais fort aise de me délester de tous ces kilos.

Enfin, arrivée à Saumur, mon amie Colette m’attendait, toute frétillante d’excitation à l’idée de ce que j’allai lui raconter ! C’est qu’elle ne va pas tous les jours attendre quelqu’un qui revient de Chine !

Enfin, La Musardière !
J’allume une petite bougie devant mon Bouddha et mets une poignée d’encens à brûler, puis, je choisis un CD. La 9° Symphonie de Beethoven s’impose. Je suis si heureuse ! 








Le dragon chinois est un animal fabuleux bénéfique
                                      Très puissant, certes, mais bienveillant
                                      Il est associé à la pluie et aux eaux des lacs et rivières
                                     Celui-ci, tout sourire,
                                     Joue sur les petits nuages gorgés d’eau et frangés de brume
                                     Qui vont bientôt arroser les rizières ...