"Urbs ... La Ville Eternelle"
Impressions de voyage - Dernier jour
J’avais loué la chambre pour 5 nuits.
C’est donc, aujourd’hui vendredi, mon dernier jour à Rome.
Alors, je vais aller voir la Fontana di Trevi et l’ Altare
Della Patria. J’ai gardé pour mon dernier jour cette fontaine baroque qui
me fait rêver depuis déjà bien des années – quoiqu’en général, je ne sois pas
une fervente de ce style – ainsi que le gros gâteau blanc aux intrigantes
sculptures aperçu dès mon arrivée. Je me suis renseignée. C’est un monument
élevé à la gloire d’Emmanuel II et cela s’appelle « l’Autel de la
Patrie ». Tout en marbre blanc, et surmonté de deux quadriges de bronze
menés par des Victoires ailées. Hé ! Nous sommes loin des dragons et des
cygnes ! Très objectivement, je ne pense pas que ces deux monuments soient
les plus beaux, les plus chargés d’histoire, les plus remarquables de la ville
de Rome. Mais je les aime vraiment beaucoup !
Je me lève bien reposée et passe un peignoir avant de me
diriger vers la cuisine. Thomas est déjà installé. Il boit du café au lait tout
en relisant son dernier cours. C’est un bon étudiant très consciencieux. Il lève
la tête et me sourit, puis me demande comment je vais et si j’apprécie mon
séjour. Il est gentil. Roux, il a les cheveux courts et une petite barbe bien
soignée, le teint très pâle, il est mince et proprement vêtu. « Merci –
lui dis-je – Je vais très bien et suis enchantée de mon séjour. Le seul point
noir, c’est la distance entre ici et le centre historique de Rome. Je n’ai pas
l’habitude de marcher et cela m’épuise… » Alors, il me dit qu’il y a un
tram qui part de la gare de Trastevere
pour le centre. Il m’explique comment y aller et me précise que, si on prend la
ligne 8, le terminus est Plazza Venezia,
c’est-à-dire, exactement là où je veux aller, parce que cette belle place
s’étend juste au pied du gros gâteau blanc. Quant à la fontaine, elle n’est pas
bien loin.
Enchantée, je remonte me faire une beauté. J’enfile une robe
lilas et gris pâle à très fines bretelles, et tresse mes longs cheveux que je
remonte sur le sommet de la tête. Je maintiens la tresse avec une barrette et
l’agrémente d’épingles à têtes de perles. Puis j’ajoute un petit collier rose
au bout duquel pend un cœur. Je l’aime beaucoup. Il me vient de Zhu-Hai, ville
de mon dernier poste universitaire en Chine du sud. Alors, je descends la
colline, mon petit sandwich et quelques raisins dans un sachet plastique.
Trouver l’arrêt du tram est un jeu d’enfant, et j’y monte, fort aise. Mais je
ne vois aucune machine pour acheter un ticket, aucun contrôleur, personne
d’autre que des passagers qui n’ont pas l’air de se faire beaucoup de soucis.
Le tram serait-il gratuit, ou est-ce vraiment mon jour de chance ?
Enchantée ravie, je descends Place de Venise et me mets à
marcher sur la Via del Corso. C’est une belle avenue, très
passante, très chargée, bordée de boutiques. Sur les trottoirs, les touristes
se bousculent et prennent d’assaut les petites échoppes de souvenirs. Me voici Via D. Muratte. C’est une voie piétonne
sur laquelle on peut voir toutes sortes de petits métiers liés au tourisme. Il
y a des gens qui dessinent par terre. D’autres qui vous tirent le portrait en
quelques minutes. Certains qui vendent d’ingénieux crayons mécaniques qui
tracent des figures géométriques complexes, mais que vous pouvez essayer avant
de vous décider. Enfin, pas mal de « Fortune
tellers ». Naturellement, tous vous promettent l’amour et la
fortune ! Et je ne parle pas de ces innombrables vendeurs qui étalent par
terre ou sur des tréteaux les mille et un trésors susceptibles de faire naître les désirs des touristes. Il
fait beau et chaud. Vous avez soif ? Faim ? Mais choisissez donc une terrasse de café pour vous reposer !
Vous n’aurez que l’embarras du choix.
Enfin, j’arrive devant la fontaine de mes rêves !
Quelle est belle ! Non. Je ne suis pas déçue. Tout me plait ici. Cette
fontaine a été construite sur une place entourée d’immeubles jaunes et blancs,
orange pâle et terre de Sienne. C’est ouvert
sur le ciel du Bon Dieu, avec le soleil pour éclairage et une petite
brise délicieuse qui me caresse les épaules. L’eau coule à grand bruit. C’est
charmant et rafraîchissant. Les statues – Poséidon et ses chevaux conduits par
des tritons, ainsi que deux femmes très belles – sont d’un blanc éclatant.
Elles sont à la fois majestueuses et familières, dignes et détendues. Et …
vêtues ! Mon impression est que ces personnages mythologiques sont …
naturels. Chacun assume son rôle, trouvant normal d’être ce qu’il est. C’est reposant.
La
Fontaine de Trévi. Style Baroque.
Elle fut
réalisée à la fin du XVIII° siècle à la demande du pape Clément XII
Des centaines de touristes se pressent sur les degrés
semi-circulaires qui entourent le bassin d’eau fraîche couleur turquoise. Je
contemple Poséidon un bon moment, fort aise de le trouver d’humeur pacifique.
Mais il est vrai qu’à la différence de ce misérable Ulysse, j’ai toujours
éprouvé de la sympathie pour le pauvre Polyphème… Puis, j’entreprends de
descendre pour pouvoir tremper au moins le bout de mes doigts dans l’eau.
D’ailleurs, j’aimerais bien m’asseoir une ou deux minutes sur le rebord de
marbre … quoi qu’il soit bien inutile de préciser la nature de la pierre. A
Rome, « tout » est en marbre ! Mon désir doit se lire sur mon
visage car le jeune homme devant lequel je m’arrête se pousse fort obligeamment
et, d’un petit signe, me désigne la place ainsi libérée auprès de lui. Quel
plaisir ! Je m’assois, ravie. Et comme il faisait des selfies, pour le remercier de sa gentillesse, je lui propose de le
prendre en photo. De prime, il semble étonné. Oui, je sais. Les jeunes gens
pensent toujours être les seuls à savoir se servir d’un Smartphone et sont fort
étonnés lorsqu’ils me voient sortir le mien, et encore plus lorsqu’ils se rendent
compte que je suis une vraie « geek » !
Néanmoins, il se lève et prend la pose. Je fais quelques photos. Elles sont
excellentes. Il est ravi ! A son tour d’en prendre une ou deux de moi.
Puis nous faisons connaissance. Il est allemand. Il y a déjà 3 ans qu’il a eu
son diplôme d’ingénieur et son premier voyage a été pour le sud-est
asiatique ! Très dépaysant, me précise-t-il…
« Et vous ? De quel pays êtes-vous ? »
« Devinez ! » lui dis-je.
« Mais … C’est que vous parlez anglais trop bien. Je ne
sais si vous êtes anglaise ou américaine…. »
Je suis aux anges ! J’ai passé la moitié de ma vie à
l’étranger et jamais personne n’a pu deviner que j’étais française. La première
fois que l’on m’avait prise pour une américaine, c’était à l’Aéroport de
Roissy. Le CRS qui contrôlait les passeports m’avait dit, très sûr de
lui : « Américaine ? » en me tendant les formulaires
d’immigration. Je lui avais fait un immense sourire, et tendu mon passeport …
français !
Le jeune homme est grand, brun, il porte un short long bleu
et un T-shirt. Rien de particulièrement remarquable. Mais il est très bien
élevé. Au bout d’un moment, je me lève et lui dis :
« Well, it was
nice to meet you. I am going to go » et je lui tends ma carte. « I am a writer. You may find my name on Google »
A ma grande surprise, il me tend la sienne. Alexander
B. M Eng. De Aachen. La capitale de l’Empereur Charlemagne ! Je suis
impressionnée. Ce n’est pas un français qui aurait fait cela. En effet, les
français n’ont jamais de carte de visite. D’ailleurs, il leur arrive souvent de
manquer de savoir-vivre…
Après cette charmante rencontre, je me promène dans les
ruelles des alentours et mange mon petit sandwich et mes raisins dans un
endroit calme et frais. Puis je me remets en marche, bien décidée cette fois à
visiter le Monument de Victor Emmanuel. Plusieurs personnes s’approchent de
moi. Des italiens. D’abord une femme d’âge moyen. « Lady – me dit-elle – you
are bellissima ! »
Oh ! Comme c’est agréable ! Puis un homme. « Madam, you look as beautiful as a flower garden… » Merci. Le
compliment est quelque peu éculé, mais cela fait toujours plaisir. C’est donc
le buste bien droit et la démarche assurée que j’ai continué à marcher vers la
belle Place de Venise.
Altare Della Patria
Depuis le premier soir, l’Altare Della Patria, ce splendissime gâteau de marbre blanc comme
la neige, cette montagne de pierre-chantilly, cet unique et émerveillable
monument, m’a plu. Il me plaisait de loin. Il m’enthousiasme de près. De plus,
j’y vois - toutes proportions gardées - une ressemblance avec ma maison qui, elle
aussi, est toute blanche et précédée d’une large terrasse de pierre de Bavière
d’un blanc à peine moins éclatant que celui de la tuffe. Et surtout, j’aime les
espaces ouverts et ensoleillés. Je déteste les salles sombres, dépourvues de
fenêtres, propices aux intrigues et aux crimes. Ce qui est noble et beau
s’expose à la vue de tous. Ce sont les malfaiteurs et les méchants qui
recherchent le secret et l’obscurité, reflet de la noirceur de leurs âmes, pour
y cacher leurs vices. Je crois que si j’avais vécu en Egypte, au XIV° siècle
avant J.-C., j’aurais bien accueilli la réforme religieuse du Pharaon Amenhotep
IV – Akhenaton. Enfin, c’est un tout autre sujet. Et, malgré la chaleur, et
surtout l’intense réverbération de la lumière du soleil sur le marbre
étincelant de blancheur, je monte allègrement à l’assaut de l’Altare Della Patria !
Ce monument, de type néo-classique, a été construit pour
célébrer la réunification de l’Italie. On y trouve d’ailleurs le Museo del Risorgimento. Quant à la
statue de Victor-Emmanuel, elle y a été placée à l’honneur parce qu’il a été le
premier monarque de l’Italie réunifiée. La flamme du soldat inconnu est gardée
par deux militaires hiératiques. Heureusement qu’ils sont à l’ombre d’un grand
mur de marbre ! Je monte, je regarde partout, je prends des photos. Et,
enfin, je peux contempler les intrigantes statues noires : les deux
quadriges conduits par des Victoires ailées, portant chacune une couronne de
lauriers dans la main droite. C’est vraiment très beau. De plus il y a encore
trois autres bronzes de Victoires ailées, non pas écrasantes, mais gracieuses.
Quelques mouettes familières rappellent que la Méditerranée
n’est pas loin. Du haut de cet improbable et magique édifice, la vue sur La
Ville est splendide. Et j’essaie de m’imaginer l’effet que devait produire la
vision de la Rome Antique aux visiteurs provinciaux, et plus encore aux
barbares. Resplendissante de marbres et de dorures sous le grand soleil. Un
hymne à la grandeur politico-militaire de l’empire le plus puissant du monde
connu. Lusitaniens, Gaulois, Bretons, Vénètes, Germains, Daces ou Africains,
ils devaient en rester pantois et, de retour dans leurs foyers, conserver cette
vision magique en mémoire jusqu’à leur dernier souffle…
Trop beau ! ce monument – comme disent les enfants.
J’aime ces manifestations patriotiques splendides et attendrissantes,
impressionnantes et ridicules, dérisoires et éternelles …. Ce sont des témoins
de l’histoire des hommes.
Ce monument ouvert, lumineux, irradiant, accessible à tous,
est probablement aussi un reflet de la nature bon enfant des italiens. A ce
sujet, je fais une petite expérience amusante. Parmi les innombrables
visiteurs, il y en a toujours qui ont besoin de se rafraîchir. D’ailleurs, vu
la chaleur, il faut constamment boire et donc, passer aux toilettes. Il est
facile de les trouver à l’intérieur du monument. De nombreuses dames et jeunes
filles font la queue et je prends mon tour derrière une jolie française. Mais
je ne le sais pas et je lui parle anglais. C’est d’ailleurs une habitude chez
moi : une fois passée une frontière, je « switche » sur l’anglais ! Je sens qu’il se passe
quelque chose. Elle aussi, mais ne sait pas de quoi il retourne. C’est alors
que la dame italienne chargée des lieux sort dans le couloir et se mets à crier
« Il y a une panne d’électricité ! Ca marche pas… Mais, celles qui
ont un Smartphone, c’est d’accord ! C’est d’accord ! » Trop
rigolo ! Les jeunes filles et moi-même, nous nous mettons à rire et
activons la fonction « torche » sur nos Smartphones. Et, dans ce
splendissime édifice, je découvre des toilettes indignes, très sales et dans
lesquelles tout est cassé, y compris la porte. Mon fou-rire redouble. C’est que
j’en ai vu de toutes les couleurs en la matière, en Egypte, en Chine, et même
en France ! D’ailleurs, il fut un temps où j’avais envisagé d’écrire de
petites nouvelles humoristiques à ce sujet ! Cela fait bien des années que
j’ai acquis une certitude : si l’on veut se faire une opinion juste d’un
pays ou d’une maison, il faut aller voir l’état des « lieux ».
Nous ne sommes pas loin de la Mer Méditerranée
Bien rafraîchie par cet épisode héroï-comique, je retourne
admirer la vue que l’on a du haut de cette géante meringue à la chantilly qui,
au contraire des touristes, ne fond pas sous le soleil. Un dernier coup d’œil
au vert gazon de la Place de Venise. On l’arrose sans arrêt. Et je suppose que
c’est la seule pelouse de toute la ville ! Je descends l’escalier
monumental, croisant des foules de gens de toutes couleurs. Ces escaliers sont
vraiment accueillants. Les marches ont une hauteur très raisonnable et comme
elles sont chaudes, on peut s’y asseoir pour se reposer tout en admirant le
perpétuel mouvement de ce quartier très animé. Je continue mes explorations
dans le quartier du Palatin. Inutile que je décrive tous les monuments, ruines,
églises, vestiges, jardins… qui s’offrent
mon admiration. Rome est en elle-même un gigantesque musée à ciel
ouvert. Je descends doucement une large avenue, puis la remonte avant de me
sentir trop fatiguée. Enfin, je regagne le Trastevere
par le même tram que ce matin. Je ne veux pas rentrer trop tard, parce que j’ai
bien l’intention d’aller boire une ou deux Peroni
chez mon pirate des Caraïbes avant de regagner ma chambre pour y faire ma
valise.
Installée à mon guéridon familier, je fais le point de mon
séjour romain, tout en regardant les gouttes d’eau couler lentement le long de
ma bouteille de Peroni. A l’heure
qu’il est, la température est idéale. Quel temps fait-il, chez moi ? Je
suppose que mes champs sont aussi verts que la pelouse de la Place de Venise,
et que les légumes de mon potager auront bien poussé en une semaine
Rien que d’y penser, j’en souris d’aise ! Finalement,
je suis contente de rentrer. Tout ce que j’ai vu ici était splendide, unique au
monde, et passionnant. Mais…je commence à avoir une indigestion de
marbres ! Quant aux églises, dont j’ai visité un très grand nombre, et qui
sont toutes surchargées de dorures, sculptures, statues, stucs, bas-reliefs,
meubles en bois précieux, luminaires extravagants, bustes ou gisants,
chandeliers … et dont les sols sont naturellement tous en marbre, elles ne
m’émeuvent pas.
Etant seule, c’est à moi-même que je pose la traditionnelle
question : quel est le monument que j’ai préféré, et pourquoi ? Là,
il me faut faire une pose. Réfléchir. Déterminer des critères. Car les
innombrables monuments de Rome, civils ou religieux et de quelque époque qu’ils
soient, sont – objectivement – tous des chefs d’œuvre.
D’emblée, j’écarte tous les monuments religieux. Oh !
Ne croyez pas que richesse et splendeur me choquent ! Cela a toujours été,
et je ne crois pas à l’égalité entre les hommes. Que les plus forts, les plus
intelligents et les plus capables accaparent pouvoirs et richesses me semble
être dans l’ordre des choses. Conforme à la nature humaine en quelque sorte. Et
que leurs trésors soient utilisés en partie à l’édification de palais et de
monuments - expressions et outils de
leur pouvoir - est bien normal. Ce qui
ne veut pas dire pour autant que j’approuve les oppresseurs, car un monarque
absolu se doit d’exercer la justice.
Non. Ce qui me choque, c’est que ce faste et ces splendeurs
soient les écrasantes manifestations d’un pouvoir totalitaire qui se réclame du
domaine spirituel. A mes yeux, cette Eglise est trop humaine, dans ce que cet
adjectif comporte de bas et de corrompu. C’est une grande administration
chargée, comme toutes les administrations gouvernementales, de faire obéir ses
sujets et rentrer les impôts. Alors, les gérontes qui se succèdent à la tête de
cette organisation supra nationale promulguent des lois, que ses membres sont
chargés de mettre en vigueur. Jusque là, tout va bien. Mais ce qui ne va plus,
c’est le ressort caché derrière. La peur de la mort et la promesse d’un au-delà
meilleur. Le raisonnement est le suivant : « Ayez foi en Dieu et donc
en moi qui suis le dépositaire de Sa parole. Laissez de côté vos questions, vos
doutes, vos désirs. Soyez humbles et obéissants. Je vous prends en charge.
Abandonnez-vous et faites-moi confiance. Ainsi, le jour où vous quitterez cette
Vallée de larmes, vous obtiendrez la Vie éternelle. »
Loin de moi l’idée de soutenir que l’obtention de la Vie
éternelle est à mépriser. Mais ce contre quoi je m’élève, c’est la démarche
intellectuelle qui consiste à exercer une sorte de chantage : faites ceci
pour avoir cela. C’est ce que j’appelle une « mentalité d’assureur ».
Et dans le même ordre d’idées, cela me rappelle cette réflexion de Benjamin
Franklin au sujet des gens qui renoncent à leur liberté, totalement ou en
partie, en échange d’une sécurité toujours illusoire. « Un peuple prêt à
sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni
l’autre, et finit par perdre les deux. » Ils sacrifient l’essentiel – ce
qui constitue leur être profond – pour quelque chose de dérisoire. C’est ce que
nous faisons chaque fois que nous souscrivons à des assurances, acceptions des
mesures gouvernementales inacceptables, mais que l’administration centrale
justifie au nom de la sacro-sainte « sécurité » qui est, aujourd’hui,
une valeur sociétale de premier rang. Honte à nous.
Pour moi, c’est un abandon de la liberté individuelle. La
liberté, le cadeau empoisonné que Dieu nous a fait ! Etre libre
sous-entend être capable de réfléchir et de faire des choix en fonction de ses
connaissances. Ces choix faits, on fait appel à la volonté pour agir, on prend
des décisions et on exerce son sens des responsabilités. Ce que l’on appelle
assumer ses choix. Naturellement, il y
aurait énormément à expliquer et nuancer. Mais je m’en tiens à ces idées
simples et claires. Si un individu, intelligent et réfléchi, renonce à sa
liberté afin de gagner une vie éternellement heureuse dans l’au-delà, et qu’il en
fait le choix bien conscient, je n’ai plus rien à dire. Il a décidé d’adhérer.
Pour ma part, je déplore la manipulation des croyants, bien que je la sache
inévitable. Et, en ce qui me concerne, si je crois en Dieu, c’est par choix
personnel. Je fais le « pari de Pascal ». Toutefois, je ne puis
adhérer à tous les enseignements de l’Eglise, ni lui pardonner quelques….
peccadilles passées ! Dieu m’a donné une intelligence et les moyens
d’exercer ma liberté, et j’y tiens !
Dans le Grand Catéchisme, on peut lire que « Dieu est
le créateur et maître de toute chose. Omniscient et omnipotent ». Et dans
la Bible, il est écrit que « Dieu a créé l’homme à son image et à sa
ressemblance » - phrase très troublante, s’il en est ! Moi, je pense
que ce sont les hommes qui ont fait Dieu à leur image : un administratif
rancunier et tatillon, un comptable, un misérable mal intentionné toujours ravi
de se venger. Quant aux papes qui ont présidé à l’édification de toutes ces
montagnes de marbres que j’ai pu visiter, il me semble clair qu’ils se
prenaient, eux, pour Dieu en personne ! Un Dieu sombre, calculateur,
enfermé dans ses forteresses avec ses coffres à trésors…..
Le Dieu du Vatican ne me revient pas. Non plus que
l’atmosphère que dégagent les monuments religieux romains.
Dieu, pour moi, est lumière, beauté, bonheur. Sa grandeur
réside en sa compréhension et son pardon. En un mot, en son amour. Lorsque
j’étais à Saint Pierre, je me demandais ce que Jésus en aurait pensé ? Et
je lui ai dit que je Le plaignais d’avoir ainsi été « emmarbré »,
écrasé, trahi. Saint François aussi doit être triste, lui que l’on surnommait le
« Poverello » ….
Tout cela explique que pour répondre à la question que je m’étais
posée tout à l’heure, je commence par écarter les monuments religieux. Mais il
en reste bien d’autres !
Alors ? Eh bien, c’est le Colisée que je préfère ! Et
cela pour plusieurs raisons.
Les réalisations de la Rome Antique m’ont toujours
émerveillée ainsi que l’esprit des romains. Pour moi, comme pour eux, « Le
chemin le plus court d’un point à un autre est la ligne droite ». Les
tortueuses embrouilles contemporaines me rendent malade. Ces gars-là étaient
efficaces. Or, qui veut la fin veut les moyens, c’est bien connu. Et laissons
aux grecs le soin d’ergoter sur la nature des moyens ! Je suis
reconnaissante à Jules César d’avoir civilisé la Gaule. Mais c’est encore leurs
qualités de bâtisseurs que j’admire le plus. Au contraire de nos architectes
contemporains, ils bâtissaient pour l’éternité, et ils savaient allier
l’esthétique à l’utilitaire. Qui ne s’extasie devant le Pont du Gard ?
Alors que des abominations comme le Centre Pompidou à Paris, me donnent la
nausée … Les romains – je l’ai déjà dit – avaient la révolution facile. La
plèbe était au chômage et recevait gratuitement du blé. Les empereurs y
veillaient. Il ne fallait pas que des émeutiers déstabilisent leur pouvoir.
Exactement comme de nos jours notre gouvernement socialiste subventionne les
chômeurs et garantit un revenu minimum aux plus défavorisés. Ils vivaient dans
des « insulae » immeubles à
étages, en bois, et venaient se divertir, d’abord au Circus Maximus, puis au Colisée. De nos jours, les gens modestes
vivent dans des HLM et regardent le foot ou les variétés à la télévision. Rien
n’a changé sous le soleil !
Ce Colisée témoigne de toute l’inventivité et des
exceptionnelles capacités réalisatrices des romains. Dans une cinquantaine
d’années, il pourra fêter ses 2.000 ans. En effet, la construction en fut
commencée en 70 sous Vespasien et terminée en 80 sous Titus. Cette gigantesque
structure fut édifiée en seulement dix ans ! Quand on pense que, de nos
jours, il faut parfois plus d’un an pour donner forme à un misérable
rond-point….. Nous devrions avoir honte. Et au lieu de cela, très nombreux sont
ceux qui se posent la question « Mais comment faisaient les bâtisseurs des
époques anciennes qui n’avaient aucun des moyens dont nous
disposons ? » Pauvres niais !
Certes, ce cirque qui fut le lieu d’innombrables spectacles
de violence pourrait inspirer de l’horreur. Mais … nous posons-nous des
questions au sujet des films, séries ou divertissement que nous regardons
quotidiennement à la télévision ?
Personnellement, je ne vois guère de différence. Dans la forme,
peut-être. Mais pas pour le fond. « Panem
et circenses » Les foules demandent toujours les mêmes choses. Ce
Colisée, si ancien, me semble pouvoir servir de symbole à notre époque
contemporaine de mondialisation !
Enfin, de par sa forme, son ancienneté, son gigantisme, son
ingéniosité, ses matériaux de construction, et son exceptionnelle actualité, ce
Colosseo est mon monument préféré.
Voilà. J’ai encore quelques gorgées de Peroni dans mon verre. Une agréable petite brise m’apporte une
fugitive réminiscence poétique. Je pense soudain à Joachim du Bellay qui, déçu
par les intrigues romaines, écrivit – au XVI° siècle - ces quelques vers
désabusés et chauvins :
« Plus me plait le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plait l’ardoise fine,
Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré que le Mont Palatin,
Et plus que l’air marin, la douceur angevine. »
Je ressens une bouffée de nostalgie.
A mon tour d’écrire :
« Plus que la Rome antique
Ma Musardière chérie,
Aux fureurs historiques
Une campagne fleurie. »
A
l’intérieur de mon monument romain préféré
Ecrit à la Musardière
Ce dimanche 8 Juin
2018