dimanche 23 septembre 2018

"Urbs ... La Ville Eternelle" - Impressions de voyage - Dernier jour

"Urbs ... La Ville Eternelle" 
Impressions de voyage - Dernier jour


J’avais loué la chambre pour 5 nuits.
C’est donc, aujourd’hui vendredi, mon dernier jour à Rome.

Alors, je vais aller voir la Fontana di Trevi et l’ Altare Della Patria. J’ai gardé pour mon dernier jour cette fontaine baroque qui me fait rêver depuis déjà bien des années – quoiqu’en général, je ne sois pas une fervente de ce style – ainsi que le gros gâteau blanc aux intrigantes sculptures aperçu dès mon arrivée. Je me suis renseignée. C’est un monument élevé à la gloire d’Emmanuel II et cela s’appelle « l’Autel de la Patrie ». Tout en marbre blanc, et surmonté de deux quadriges de bronze menés par des Victoires ailées. Hé ! Nous sommes loin des dragons et des cygnes ! Très objectivement, je ne pense pas que ces deux monuments soient les plus beaux, les plus chargés d’histoire, les plus remarquables de la ville de Rome. Mais je les aime vraiment beaucoup !

Je me lève bien reposée et passe un peignoir avant de me diriger vers la cuisine. Thomas est déjà installé. Il boit du café au lait tout en relisant son dernier cours. C’est un bon étudiant très consciencieux. Il lève la tête et me sourit, puis me demande comment je vais et si j’apprécie mon séjour. Il est gentil. Roux, il a les cheveux courts et une petite barbe bien soignée, le teint très pâle, il est mince et proprement vêtu. « Merci – lui dis-je – Je vais très bien et suis enchantée de mon séjour. Le seul point noir, c’est la distance entre ici et le centre historique de Rome. Je n’ai pas l’habitude de marcher et cela m’épuise… » Alors, il me dit qu’il y a un tram qui part de la gare de Trastevere pour le centre. Il m’explique comment y aller et me précise que, si on prend la ligne 8, le terminus est Plazza Venezia, c’est-à-dire, exactement là où je veux aller, parce que cette belle place s’étend juste au pied du gros gâteau blanc. Quant à la fontaine, elle n’est pas bien loin.

Enchantée, je remonte me faire une beauté. J’enfile une robe lilas et gris pâle à très fines bretelles, et tresse mes longs cheveux que je remonte sur le sommet de la tête. Je maintiens la tresse avec une barrette et l’agrémente d’épingles à têtes de perles. Puis j’ajoute un petit collier rose au bout duquel pend un cœur. Je l’aime beaucoup. Il me vient de Zhu-Hai, ville de mon dernier poste universitaire en Chine du sud. Alors, je descends la colline, mon petit sandwich et quelques raisins dans un sachet plastique. Trouver l’arrêt du tram est un jeu d’enfant, et j’y monte, fort aise. Mais je ne vois aucune machine pour acheter un ticket, aucun contrôleur, personne d’autre que des passagers qui n’ont pas l’air de se faire beaucoup de soucis. Le tram serait-il gratuit, ou est-ce vraiment mon jour de chance ?

Enchantée ravie, je descends Place de Venise et me mets à marcher sur la Via del Corso. C’est une belle avenue, très passante, très chargée, bordée de boutiques. Sur les trottoirs, les touristes se bousculent et prennent d’assaut les petites échoppes de souvenirs. Me voici Via D. Muratte. C’est une voie piétonne sur laquelle on peut voir toutes sortes de petits métiers liés au tourisme. Il y a des gens qui dessinent par terre. D’autres qui vous tirent le portrait en quelques minutes. Certains qui vendent d’ingénieux crayons mécaniques qui tracent des figures géométriques complexes, mais que vous pouvez essayer avant de vous décider. Enfin, pas mal de « Fortune tellers ». Naturellement, tous vous promettent l’amour et la fortune ! Et je ne parle pas de ces innombrables vendeurs qui étalent par terre ou sur des tréteaux les mille et un trésors susceptibles  de faire naître les désirs des touristes. Il fait beau et chaud. Vous avez soif ? Faim ? Mais choisissez donc  une terrasse de café pour vous reposer ! Vous n’aurez que l’embarras du choix.

Enfin, j’arrive devant la fontaine de mes rêves ! Quelle est belle ! Non. Je ne suis pas déçue. Tout me plait ici. Cette fontaine a été construite sur une place entourée d’immeubles jaunes et blancs, orange pâle et terre de Sienne. C’est ouvert  sur le ciel du Bon Dieu, avec le soleil pour éclairage et une petite brise délicieuse qui me caresse les épaules. L’eau coule à grand bruit. C’est charmant et rafraîchissant. Les statues – Poséidon et ses chevaux conduits par des tritons, ainsi que deux femmes très belles – sont d’un blanc éclatant. Elles sont à la fois majestueuses et familières, dignes et détendues. Et … vêtues ! Mon impression est que ces personnages mythologiques sont … naturels. Chacun assume son rôle, trouvant normal d’être ce qu’il est. C’est reposant.




La Fontaine de Trévi. Style Baroque.

Elle fut réalisée à la fin du XVIII° siècle à la demande du pape Clément XII

Des centaines de touristes se pressent sur les degrés semi-circulaires qui entourent le bassin d’eau fraîche couleur turquoise. Je contemple Poséidon un bon moment, fort aise de le trouver d’humeur pacifique. Mais il est vrai qu’à la différence de ce misérable Ulysse, j’ai toujours éprouvé de la sympathie pour le pauvre Polyphème… Puis, j’entreprends de descendre pour pouvoir tremper au moins le bout de mes doigts dans l’eau. D’ailleurs, j’aimerais bien m’asseoir une ou deux minutes sur le rebord de marbre … quoi qu’il soit bien inutile de préciser la nature de la pierre. A Rome, « tout » est en marbre ! Mon désir doit se lire sur mon visage car le jeune homme devant lequel je m’arrête se pousse fort obligeamment et, d’un petit signe, me désigne la place ainsi libérée auprès de lui. Quel plaisir ! Je m’assois, ravie. Et comme il faisait des selfies, pour le remercier de sa gentillesse, je lui propose de le prendre en photo. De prime, il semble étonné. Oui, je sais. Les jeunes gens pensent toujours être les seuls à savoir se servir d’un Smartphone et sont fort étonnés lorsqu’ils me voient sortir le mien, et encore plus lorsqu’ils se rendent compte que je suis une vraie « geek » ! Néanmoins, il se lève et prend la pose. Je fais quelques photos. Elles sont excellentes. Il est ravi ! A son tour d’en prendre une ou deux de moi. Puis nous faisons connaissance. Il est allemand. Il y a déjà 3 ans qu’il a eu son diplôme d’ingénieur et son premier voyage a été pour le sud-est asiatique ! Très dépaysant, me précise-t-il… 

« Et vous ? De quel pays êtes-vous ? »
« Devinez ! » lui dis-je.
« Mais … C’est que vous parlez anglais trop bien. Je ne sais si vous êtes anglaise ou américaine…. »
Je suis aux anges ! J’ai passé la moitié de ma vie à l’étranger et jamais personne n’a pu deviner que j’étais française. La première fois que l’on m’avait prise pour une américaine, c’était à l’Aéroport de Roissy. Le CRS qui contrôlait les passeports m’avait dit, très sûr de lui : « Américaine ? » en me tendant les formulaires d’immigration. Je lui avais fait un immense sourire, et tendu mon passeport … français !
Le jeune homme est grand, brun, il porte un short long bleu et un T-shirt. Rien de particulièrement remarquable. Mais il est très bien élevé. Au bout d’un moment, je me lève et lui dis :
« Well, it was nice to meet you. I am going to go » et je lui tends ma carte. « I am a writer. You may find my name on Google »
A ma grande surprise, il me tend la sienne. Alexander B. M Eng. De Aachen. La capitale de l’Empereur Charlemagne ! Je suis impressionnée. Ce n’est pas un français qui aurait fait cela. En effet, les français n’ont jamais de carte de visite. D’ailleurs, il leur arrive souvent de manquer de savoir-vivre… 



Après cette charmante rencontre, je me promène dans les ruelles des alentours et mange mon petit sandwich et mes raisins dans un endroit calme et frais. Puis je me remets en marche, bien décidée cette fois à visiter le Monument de Victor Emmanuel. Plusieurs personnes s’approchent de moi. Des italiens. D’abord une femme d’âge moyen. « Lady – me dit-elle – you are bellissima ! »
Oh ! Comme c’est agréable ! Puis un homme. « Madam, you look as beautiful as a flower garden… » Merci. Le compliment est quelque peu éculé, mais cela fait toujours plaisir. C’est donc le buste bien droit et la démarche assurée que j’ai continué à marcher vers la belle Place de Venise. 



Altare Della Patria

Depuis le premier soir, l’Altare Della Patria, ce splendissime gâteau de marbre blanc comme la neige, cette montagne de pierre-chantilly, cet unique et émerveillable monument, m’a plu. Il me plaisait de loin. Il m’enthousiasme de près. De plus, j’y vois - toutes proportions gardées -  une ressemblance avec ma maison qui, elle aussi, est toute blanche et précédée d’une large terrasse de pierre de Bavière d’un blanc à peine moins éclatant que celui de la tuffe. Et surtout, j’aime les espaces ouverts et ensoleillés. Je déteste les salles sombres, dépourvues de fenêtres, propices aux intrigues et aux crimes. Ce qui est noble et beau s’expose à la vue de tous. Ce sont les malfaiteurs et les méchants qui recherchent le secret et l’obscurité, reflet de la noirceur de leurs âmes, pour y cacher leurs vices. Je crois que si j’avais vécu en Egypte, au XIV° siècle avant J.-C., j’aurais bien accueilli la réforme religieuse du Pharaon Amenhotep IV – Akhenaton. Enfin, c’est un tout autre sujet. Et, malgré la chaleur, et surtout l’intense réverbération de la lumière du soleil sur le marbre étincelant de blancheur, je monte allègrement à l’assaut de l’Altare Della Patria !

Ce monument, de type néo-classique, a été construit pour célébrer la réunification de l’Italie. On y trouve d’ailleurs le Museo del Risorgimento. Quant à la statue de Victor-Emmanuel, elle y a été placée à l’honneur parce qu’il a été le premier monarque de l’Italie réunifiée. La flamme du soldat inconnu est gardée par deux militaires hiératiques. Heureusement qu’ils sont à l’ombre d’un grand mur de marbre ! Je monte, je regarde partout, je prends des photos. Et, enfin, je peux contempler les intrigantes statues noires : les deux quadriges conduits par des Victoires ailées, portant chacune une couronne de lauriers dans la main droite. C’est vraiment très beau. De plus il y a encore trois autres bronzes de Victoires ailées, non pas écrasantes, mais gracieuses.


Quelques mouettes familières rappellent que la Méditerranée n’est pas loin. Du haut de cet improbable et magique édifice, la vue sur La Ville est splendide. Et j’essaie de m’imaginer l’effet que devait produire la vision de la Rome Antique aux visiteurs provinciaux, et plus encore aux barbares. Resplendissante de marbres et de dorures sous le grand soleil. Un hymne à la grandeur politico-militaire de l’empire le plus puissant du monde connu. Lusitaniens, Gaulois, Bretons, Vénètes, Germains, Daces ou Africains, ils devaient en rester pantois et, de retour dans leurs foyers, conserver cette vision magique en mémoire jusqu’à leur dernier souffle…
Trop beau ! ce monument – comme disent les enfants. J’aime ces manifestations patriotiques splendides et attendrissantes, impressionnantes et ridicules, dérisoires et éternelles …. Ce sont des témoins de l’histoire des hommes.

Ce monument ouvert, lumineux, irradiant, accessible à tous, est probablement aussi un reflet de la nature bon enfant des italiens. A ce sujet, je fais une petite expérience amusante. Parmi les innombrables visiteurs, il y en a toujours qui ont besoin de se rafraîchir. D’ailleurs, vu la chaleur, il faut constamment boire et donc, passer aux toilettes. Il est facile de les trouver à l’intérieur du monument. De nombreuses dames et jeunes filles font la queue et je prends mon tour derrière une jolie française. Mais je ne le sais pas et je lui parle anglais. C’est d’ailleurs une habitude chez moi : une fois passée une frontière, je « switche » sur l’anglais ! Je sens qu’il se passe quelque chose. Elle aussi, mais ne sait pas de quoi il retourne. C’est alors que la dame italienne chargée des lieux sort dans le couloir et se mets à crier « Il y a une panne d’électricité ! Ca marche pas… Mais, celles qui ont un Smartphone, c’est d’accord ! C’est d’accord ! » Trop rigolo ! Les jeunes filles et moi-même, nous nous mettons à rire et activons la fonction « torche » sur nos Smartphones. Et, dans ce splendissime édifice, je découvre des toilettes indignes, très sales et dans lesquelles tout est cassé, y compris la porte. Mon fou-rire redouble. C’est que j’en ai vu de toutes les couleurs en la matière, en Egypte, en Chine, et même en France ! D’ailleurs, il fut un temps où j’avais envisagé d’écrire de petites nouvelles humoristiques à ce sujet ! Cela fait bien des années que j’ai acquis une certitude : si l’on veut se faire une opinion juste d’un pays ou d’une maison, il faut aller voir l’état des « lieux ». 



Nous ne sommes pas loin de la Mer Méditerranée 

Bien rafraîchie par cet épisode héroï-comique, je retourne admirer la vue que l’on a du haut de cette géante meringue à la chantilly qui, au contraire des touristes, ne fond pas sous le soleil. Un dernier coup d’œil au vert gazon de la Place de Venise. On l’arrose sans arrêt. Et je suppose que c’est la seule pelouse de toute la ville ! Je descends l’escalier monumental, croisant des foules de gens de toutes couleurs. Ces escaliers sont vraiment accueillants. Les marches ont une hauteur très raisonnable et comme elles sont chaudes, on peut s’y asseoir pour se reposer tout en admirant le perpétuel mouvement de ce quartier très animé. Je continue mes explorations dans le quartier du Palatin. Inutile que je décrive tous les monuments, ruines, églises, vestiges, jardins… qui s’offrent  mon admiration. Rome est en elle-même un gigantesque musée à ciel ouvert. Je descends doucement une large avenue, puis la remonte avant de me sentir trop fatiguée. Enfin, je regagne le Trastevere par le même tram que ce matin. Je ne veux pas rentrer trop tard, parce que j’ai bien l’intention d’aller boire une ou deux Peroni chez mon pirate des Caraïbes avant de regagner ma chambre pour y faire ma valise.



Installée à mon guéridon familier, je fais le point de mon séjour romain, tout en regardant les gouttes d’eau couler lentement le long de ma bouteille de Peroni. A l’heure qu’il est, la température est idéale. Quel temps fait-il, chez moi ? Je suppose que mes champs sont aussi verts que la pelouse de la Place de Venise, et que les légumes de mon potager auront bien poussé en une semaine
Rien que d’y penser, j’en souris d’aise ! Finalement, je suis contente de rentrer. Tout ce que j’ai vu ici était splendide, unique au monde, et passionnant. Mais…je commence à avoir une indigestion de marbres ! Quant aux églises, dont j’ai visité un très grand nombre, et qui sont toutes surchargées de dorures, sculptures, statues, stucs, bas-reliefs, meubles en bois précieux, luminaires extravagants, bustes ou gisants, chandeliers … et dont les sols sont naturellement tous en marbre, elles ne m’émeuvent pas.
Etant seule, c’est à moi-même que je pose la traditionnelle question : quel est le monument que j’ai préféré, et pourquoi ? Là, il me faut faire une pose. Réfléchir. Déterminer des critères. Car les innombrables monuments de Rome, civils ou religieux et de quelque époque qu’ils soient, sont – objectivement – tous des chefs d’œuvre.

D’emblée, j’écarte tous les monuments religieux. Oh ! Ne croyez pas que richesse et splendeur me choquent ! Cela a toujours été, et je ne crois pas à l’égalité entre les hommes. Que les plus forts, les plus intelligents et les plus capables accaparent pouvoirs et richesses me semble être dans l’ordre des choses. Conforme à la nature humaine en quelque sorte. Et que leurs trésors soient utilisés en partie à l’édification de palais et de monuments -  expressions et outils de leur pouvoir -  est bien normal. Ce qui ne veut pas dire pour autant que j’approuve les oppresseurs, car un monarque absolu se doit d’exercer la justice. 



Non. Ce qui me choque, c’est que ce faste et ces splendeurs soient les écrasantes manifestations d’un pouvoir totalitaire qui se réclame du domaine spirituel. A mes yeux, cette Eglise est trop humaine, dans ce que cet adjectif comporte de bas et de corrompu. C’est une grande administration chargée, comme toutes les administrations gouvernementales, de faire obéir ses sujets et rentrer les impôts. Alors, les gérontes qui se succèdent à la tête de cette organisation supra nationale promulguent des lois, que ses membres sont chargés de mettre en vigueur. Jusque là, tout va bien. Mais ce qui ne va plus, c’est le ressort caché derrière. La peur de la mort et la promesse d’un au-delà meilleur. Le raisonnement est le suivant : « Ayez foi en Dieu et donc en moi qui suis le dépositaire de Sa parole. Laissez de côté vos questions, vos doutes, vos désirs. Soyez humbles et obéissants. Je vous prends en charge. Abandonnez-vous et faites-moi confiance. Ainsi, le jour où vous quitterez cette Vallée de larmes, vous obtiendrez la Vie éternelle. »

Loin de moi l’idée de soutenir que l’obtention de la Vie éternelle est à mépriser. Mais ce contre quoi je m’élève, c’est la démarche intellectuelle qui consiste à exercer une sorte de chantage : faites ceci pour avoir cela. C’est ce que j’appelle une « mentalité d’assureur ». Et dans le même ordre d’idées, cela me rappelle cette réflexion de Benjamin Franklin au sujet des gens qui renoncent à leur liberté, totalement ou en partie, en échange d’une sécurité toujours illusoire. « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre, et finit par perdre les deux. » Ils sacrifient l’essentiel – ce qui constitue leur être profond – pour quelque chose de dérisoire. C’est ce que nous faisons chaque fois que nous souscrivons à des assurances, acceptions des mesures gouvernementales inacceptables, mais que l’administration centrale justifie au nom de la sacro-sainte « sécurité » qui est, aujourd’hui, une valeur sociétale de premier rang. Honte à nous.

Pour moi, c’est un abandon de la liberté individuelle. La liberté, le cadeau empoisonné que Dieu nous a fait ! Etre libre sous-entend être capable de réfléchir et de faire des choix en fonction de ses connaissances. Ces choix faits, on fait appel à la volonté pour agir, on prend des décisions et on exerce son sens des responsabilités. Ce que l’on appelle assumer ses choix. Naturellement, il y  aurait énormément à expliquer et nuancer. Mais je m’en tiens à ces idées simples et claires. Si un individu, intelligent et réfléchi, renonce à sa liberté afin de gagner une vie éternellement heureuse dans l’au-delà, et qu’il en fait le choix bien conscient, je n’ai plus rien à dire. Il a décidé d’adhérer. Pour ma part, je déplore la manipulation des croyants, bien que je la sache inévitable. Et, en ce qui me concerne, si je crois en Dieu, c’est par choix personnel. Je fais le « pari de Pascal ». Toutefois, je ne puis adhérer à tous les enseignements de l’Eglise, ni lui pardonner quelques…. peccadilles passées ! Dieu m’a donné une intelligence et les moyens d’exercer ma liberté, et j’y tiens !

Dans le Grand Catéchisme, on peut lire que « Dieu est le créateur et maître de toute chose. Omniscient et omnipotent ». Et dans la Bible, il est écrit que « Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance » - phrase très troublante, s’il en est ! Moi, je pense que ce sont les hommes qui ont fait Dieu à leur image : un administratif rancunier et tatillon, un comptable, un misérable mal intentionné toujours ravi de se venger. Quant aux papes qui ont présidé à l’édification de toutes ces montagnes de marbres que j’ai pu visiter, il me semble clair qu’ils se prenaient, eux, pour Dieu en personne ! Un Dieu sombre, calculateur, enfermé dans ses forteresses avec ses coffres à trésors…..
Le Dieu du Vatican ne me revient pas. Non plus que l’atmosphère que dégagent les monuments religieux romains.

Dieu, pour moi, est lumière, beauté, bonheur. Sa grandeur réside en sa compréhension et son pardon. En un mot, en son amour. Lorsque j’étais à Saint Pierre, je me demandais ce que Jésus en aurait pensé ? Et je lui ai dit que je Le plaignais d’avoir ainsi été « emmarbré », écrasé, trahi. Saint François aussi doit être triste, lui que l’on surnommait le « Poverello » ….

Tout cela explique que pour répondre à la question que je m’étais posée tout à l’heure, je commence par écarter les monuments religieux. Mais il en reste bien d’autres !

Alors ? Eh bien, c’est le Colisée que je préfère ! Et cela pour plusieurs raisons.

Les réalisations de la Rome Antique m’ont toujours émerveillée ainsi que l’esprit des romains. Pour moi, comme pour eux, « Le chemin le plus court d’un point à un autre est la ligne droite ». Les tortueuses embrouilles contemporaines me rendent malade. Ces gars-là étaient efficaces. Or, qui veut la fin veut les moyens, c’est bien connu. Et laissons aux grecs le soin d’ergoter sur la nature des moyens ! Je suis reconnaissante à Jules César d’avoir civilisé la Gaule. Mais c’est encore leurs qualités de bâtisseurs que j’admire le plus. Au contraire de nos architectes contemporains, ils bâtissaient pour l’éternité, et ils savaient allier l’esthétique à l’utilitaire. Qui ne s’extasie devant le Pont du Gard ? Alors que des abominations comme le Centre Pompidou à Paris, me donnent la nausée … Les romains – je l’ai déjà dit – avaient la révolution facile. La plèbe était au chômage et recevait gratuitement du blé. Les empereurs y veillaient. Il ne fallait pas que des émeutiers déstabilisent leur pouvoir. Exactement comme de nos jours notre gouvernement socialiste subventionne les chômeurs et garantit un revenu minimum aux plus défavorisés. Ils vivaient dans des « insulae » immeubles à étages, en bois, et venaient se divertir, d’abord au Circus Maximus, puis au Colisée. De nos jours, les gens modestes vivent dans des HLM et regardent le foot ou les variétés à la télévision. Rien n’a changé sous le soleil !

Ce Colisée témoigne de toute l’inventivité et des exceptionnelles capacités réalisatrices des romains. Dans une cinquantaine d’années, il pourra fêter ses 2.000 ans. En effet, la construction en fut commencée en 70 sous Vespasien et terminée en 80 sous Titus. Cette gigantesque structure fut édifiée en seulement dix ans ! Quand on pense que, de nos jours, il faut parfois plus d’un an pour donner forme à un misérable rond-point….. Nous devrions avoir honte. Et au lieu de cela, très nombreux sont ceux qui se posent la question « Mais comment faisaient les bâtisseurs des époques anciennes qui n’avaient aucun des moyens dont nous disposons ? » Pauvres niais !

Certes, ce cirque qui fut le lieu d’innombrables spectacles de violence pourrait inspirer de l’horreur. Mais … nous posons-nous des questions au sujet des films, séries ou divertissement que nous regardons quotidiennement à la télévision ?  Personnellement, je ne vois guère de différence. Dans la forme, peut-être. Mais pas pour le fond. « Panem et circenses » Les foules demandent toujours les mêmes choses. Ce Colisée, si ancien, me semble pouvoir servir de symbole à notre époque contemporaine de mondialisation !

Enfin, de par sa forme, son ancienneté, son gigantisme, son ingéniosité, ses matériaux de construction, et son exceptionnelle actualité, ce Colosseo est mon monument préféré.

Voilà. J’ai encore quelques gorgées de Peroni dans mon verre. Une agréable petite brise m’apporte une fugitive réminiscence poétique. Je pense soudain à Joachim du Bellay qui, déçu par les intrigues romaines, écrivit – au XVI° siècle - ces quelques vers désabusés et chauvins :
« Plus me plait le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plait l’ardoise fine,
Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré que le Mont Palatin,
Et plus que l’air marin, la douceur angevine. »

Je ressens une bouffée de nostalgie.
A mon tour d’écrire :
« Plus que la Rome antique
Ma Musardière chérie,
Aux fureurs historiques
Une campagne fleurie. »




A l’intérieur de mon monument romain préféré


Ecrit à la Musardière
Ce dimanche 8 Juin 2018

Urbs ... La Ville Eternelle - Impressions de voyage - Quatrième jour

"Urbs ... La Ville Eternelle"
Impressions de voyage - Quatrième jour


Déjà jeudi ! 


C’est mon quatrième jour à Rome et je commence à me familiariser avec cette ville, ses habitants et ses touristes. Ce soir, je suis assise sur une chaise de tubulures métalliques, devant un minuscule guéridon de marbre sur lequel je viens d’écrire bon nombre de cartes postales pour les amis en France, au Canada, en Australie, et même en Afrique du Sud !  C’est un bistro de quartier. Dans la journée, il est fermé, mais le soir, le patron sort deux ou trois guéridons et quelques chaises, pour que les gens du voisinage viennent boire un verre et papoter. Viale Giulio Barrili. Je suis donc tout près de chez ma logeuse, car je ne saurais dire « chez moi » pour parler de cet antre si noirâtre que, même en plein jour, si l’on ne trouve pas les boutons des minuteries, on risque de tomber dans les escaliers ! D’ailleurs, je n’aime pas cette maison, sa déco des années 60, les croûtes accrochées aux murs, et les meubles en excès dont les tiroirs mal fermés laissent voir une quantité d’affaires indéfinissables jetées en vrac….



La cuisine est déprimante. Minuscule. Bourrée de petits meubles dépareillés dans lesquels on peut trouver toutes sortes de boites de … comestibles étranges. Le frigo, tout rouillé, pue. L’évier est perpétuellement bouché. Je suppose que les canalisations datent de l’époque de Jules César. Casseroles et gamelles sont cabossées. La petite table est vacillante. Et la fenêtre est équipée d’une moustiquaire gluante de crasse noirâtre qui empêche de bien voir la rue en contrebas. Ce matin, j’ai pris mon thé dans une tasse énorme, grosse comme une petite soupière, sur laquelle on pouvait lire « I love Playboy ! ». Seigneur !



Mais comme je le disais au début de ce récit, il ne convient pas de voir la vie en noir et blanc. Il faut la voir en couleurs !  Aussi ai-je trouvé un avantage aux innombrables miroirs de ma salle de bain. Je m’y vois, démultipliée, de face, de profil droit, de profil gauche, et de fesses ! Ah ! Ah ! Ah ! Rome est la ville des fesses, des cuisses et des gros seins. Et ma foi, j’ai la fatuité de me trouver tout à fait acceptable – surtout en considération de mon âge. Seulement, une chose est certaine, moi qui me suis toujours fait traiter de demi-portion, à Rome, comparée aux beautés de Michel Ange, je ne suis plus qu’un huitième de portion … Mais cela me convient tout à fait !

Par ailleurs, je dois reconnaître que je me douche à l’eau chaude dans une étrange mais grande salle de bain bien équipée que je n’ai pas besoin de partager avec d’éventuels indélicats. Je dors dans une chambre très calme. Et j’ai du WiFi. Cela me permet de garder le contact avec tous mes correspondants habituels !

Je trouve le tout fort appréciable.



Ce matin, je suis sortie avec pour objectif d’aller manger mon petit sandwich au pied du Château Saint Ange, pour écouter le violoniste qui y joue chaque jour. J’aime tellement la musique ! Il joue des airs connus, classiques ou dansants, des chansons qui ont fait le tour du monde, parfois des complaintes nostalgiques… Après l’avoir écouté tout mon saoul, je suis retournée sur la Place Saint Pierre pour y attendre le bus à impériale du Vatican. C’est un beau bus jaune-orangé dans lequel je peux voyager gratuitement. Je grimpe prestement, mais les premiers sièges sont déjà occupés par des allemands. De vrais géants ! Hauts comme des montagnes, gras comme l’ogre du Petit Poucet. Alors, je me mets sur le côté pour pouvoir tout de même voir la ville et prendre des photos. Nous faisons un très long tour et passons par tous les quartiers les plus intéressants. Il y a à Rome un tel amoncellement de monuments historiques que c’est à en avoir la tête qui tourne. Impossible de les voir tous. C’est à la station 13 que je descends. Le Colosseo.



C’est le Colisée. L’immense, le gigantesque, le plus grand cirque du monde antique. Il pouvait accueillir entre 50 et 80.000 spectateurs, selon que les estimations sont objectives ou inflationnistes. Chef d’œuvre de l’architecture romaine.  L’ingénierie très complexe – je pense, entre autres, aux prouesses techniques qu’il a fallu déployer pour pouvoir présenter des naumachies – est proprement stupéfiante. Mais personne n’explique l’origine du nom. Colosseo, en grec comme en latin, désignait une statue de très grande taille. Probablement celle de Néron, qu’il avait fait faire pour en orner sa Domus Aurea. Lorsqu’il fut frappé de Damnatio memoriae, on démantela sa demeure mais on modifia le visage de la statue et elle finit pas donner son nom au gigantesque cirque. Enfin, il est bien difficile de résumer tout cela en quelques mots. Mais c’est tout de même une explication. Quoiqu’il en soit, nul n’a jamais contesté que ce crique ait été un instrument de la politique impériale, qui consistait à donner à la plèbe du pain et des jeux pour la faire tenir tranquille.





Fière de ma photo ! Elle pourrait illustrer une plaquette touristique



Le gigantisme est écrasant. Or, ce colossal édifice a été entièrement construit en pierres, briques et marbres. Ce qui explique qu’il soit encore debout malgré les siècles, les tremblements de terre, les crises politiques, et la tendance universelle qu’ont les bâtisseurs de prendre les monuments anciens pour des carrières de matériaux de construction. Par parenthèse, je me demande si le Stade Olympique de Pékin, ce célèbre « Nid d’oiseau » construit en métal et pouvant accueillir près de 90.000 spectateurs, tiendra encore debout dans mille ans ? Ah ! Ces romains ! Quels bâtisseurs !



Je passe un très long moment dans cet espace si chargé d’histoire et de crimes. De politique et d’orgueil. De démesure et de démence. D’espoirs et de morts. De beauté et d’horreur. De chants pieux et de hurlements de terreur ou d’enthousiasme. Enfin….de ce qui fait la vie des hommes. Je prends des photos, pour moi et pour d’autres, qui me rendent la pareille. Faire le tour complet d’un tel édifice demande du temps ! 






Une fois descendue, je regagne les quartiers que je connais le mieux en marchant doucement et en admirant les Fori, les colonnes, les statues des Empereurs … Je salue Auguste. Familièrement. Car c’est une photo de sa statue qui figurait sur la couverture de ma grammaire latine, ce qui fait de nous de vieilles connaissances.



Une fois de plus, je suis frappée par la profusion de marbres. Mais je dois dire que, si les marbres chrétiens me semblent avoir peu de rapport avec l’Evangile, les marbres romains, eux, me semblent avoir beaucoup de rapport avec le mode de vie actuel. C’est que l’histoire est cyclique, comme le pensent les chinois. « Panem et circenses » est la devise de nos sociétés contemporaines.



C’est sur ces réflexions que j’ai regagné le Trastevere.



Et me voilà maintenant, assise Viale Giulio Barrili, presque morte de soif. Dans un bistro, c’est un comble ! Mais, alors que j’écrivais, je gardais tout de même un œil autour de moi, et il m’a semblé qu’ici, les clients vont se servir eux-mêmes. Le patron tient la caisse. Alors, très désireuse de boire au plus vite une bouteille de Peroni Dal 1846 - une bière locale – je me lève,  contourne les buveurs de café, avise un grand frigo dans lequel je vois une agréable collection de bouteilles de Peroni, et, après m’être saisie de l’une d’entre elles, je vais régler le patron. C’est un homme jeune, de taille et de corpulence moyenne mais pas très bien habillé. Il est carrément mal rasé et porte plusieurs anneaux en argent à chaque oreille. Il ne lui manque plus qu’un petit foulard noué de travers sur la tête pour pouvoir figurer – sans maquillage – dans « Pirates des Caraïbes » !



Un souvenir me revient, de façon tout à fait inattendue. Il y a trois ans, presque jour pour jour, j’étais à Vientiane. Un soir, rentrée assez tôt à mon hôtel, j’étais allée m’asseoir à une table en bois noir faite pour accueillir au moins dix personnes, et, naturellement, j’avais commandé une bière. A côté, tout un groupe de jeunes gens et jeunes filles jouaient aux dés. Le jeu consistait à mettre deux dés sous un gobelet en carton, à secouer, puis à soulever le gobelet. Selon le score, on pouvait obliger le précédent à boire un petit verre d’une liqueur très forte, ou on devait le boire soi-même … Un très beau jeune homme, qui ressemblait étonnamment à Johnny Depp dans le rôle de Jack Sparrow, s’était levé, et, après m’avoir saluée d’une façon très sympathique, m’avait déclaré tout de go qu’il voulait aller  jouer au billard avec son camarade et donc, il me proposait de le remplacer au jeu de dés. Après tout …. Pourquoi pas ? J’avais donc joué avec eux un bon moment. Toutefois, j’avais posé pour condition sine qua non que je trinquerai à la bière.



Moi qui ne joue jamais à rien, et ne sais jouer à rien, j’avais passé un excellent moment avec ces jeunes australiens. Tant et si bien que je n’avais pas vu le temps passer. Mais, les meilleurs choses ayant une fin, j’avais fini par regagner ma chambre, après avoir embrassé la jeune fille qui dirigeait le jeu et salué mon Johnny Depp, qui m’avait fait le baise main, sous les applaudissements de ses copains !



Bon. Ce soir, je suis à Rome. J’observe mes voisins de guéridon. Exclusivement des hommes, assez âgés, gras et pas bien beaux, mais qui ont l’air sympathiques. Ils bavardent comme de vieilles pies et ne se privent pas de me regarder avec intérêt. Et moi, je les écoute avec bonheur, parce que je trouve la langue italienne si euphonique, familière et charmante. J’aurais dû l’étudier. Pour qui a fait du grec et du latin des années durant, cela ne doit pas être bien difficile. Et puis, les italiens me semblent très sympathiques, a priori. 


Le Parco Gianicolense


 Lorsque je traverse ma petite forêt préférée – c’est-à-dire le Parco Gianicolense – j’y vois des gens qui viennent là chaque matin. Les familiers. Ils doivent habiter tout près. Les hommes ont un type particulier. Nombreux sont ceux qui ont le crâne rasé. Mais quand ils ont d’abondants cheveux, ils les conservent assez longs, ondulés, très soignés, même à un âge certain. Je trouve cela très séduisant. Ils donnent l’impression d’être raffinés. Quant aux femmes, je les trouve vraiment très belles. En général, plutôt grandes et bien en chair, mais sans excès. Et si féminines ! Elles portent des robes, beaucoup de dentelles, des ensembles simples mais chics, ou des pantalons ouverts de partout et flottant sur de jolies jambes bronzées…. Une française en robe ? A part moi, sincèrement, je n’en connais aucune.



Les gens vont et viennent. Causent et s’interpellent familièrement. De toute évidence, tout le monde se connaît. Etant seule, cela me fait du bien de les entendre. Ah  mais ! Le patron aux boucles d’oreilles dépose sur mon guéridon un bol métallique rempli de cacahuètes et pourvu d’une petite cuiller de service. C’est amusant ! Mes pensées suivent leur cours. Le passé, le présent, les joies et les amertumes se mélangent. Mon cerveau, à l’instar de la maison de Sabrina, est pourvu de mille commutateurs. Mais je n’ai jamais trouvé celui qui correspondrait à « Off » … Je vais prendre une autre bouteille dans le frigo. Mon pirate m’apporte des chips. Décidément, il est aux petits soins ! Je ne mange jamais de chips. Toutefois, par amitié, j’en prends une, puis je me lève,  remercie beaucoup et m’en retourne Via Lorenzo Valla.



Ruines des bâtiments qui bordaient autrefois 
- il y a très longtemps - un des côtés du Circus Maximus - 
Lequel fut remplacé par la suite par le Colisée -