vendredi 14 septembre 2018

Urbs ....La Ville Eternelle - Impressions de voyage - Premier jour.

Urbs – La Ville Eternelle
Impressions de voyage – Du 5 au 10 Septembre 2016


Il pleut. C’est lundi et les embouteillages de la région parisienne témoignent de la reprise imminente du travail de tous ces gens qui vont au bureau en voiture. Confortablement installée dans une superbe berline, je n’ai aucun souci à me faire, et même pas la peine de conduire puisque j’ai le meilleur des chauffeurs possibles : mon frère ! Pas besoin non plus de regarder les panneaux pour connaître le numéro de l’autoroute sur laquelle nous essayons de rouler, parce qu’il connaît comme sa poche non seulement toutes les rues de la capitale, mais également l’Ile de France dans son ensemble. C’est un grand soulagement pour moi. De plus, sa compagnie est extrêmement agréable. Il est non seulement bel homme, courtois et attentionné, mais remarquablement intelligent et cultivé. Sa conversation est donc des plus plaisantes et toujours instructive, ce que j’apprécie hautement !

Néanmoins, je ne me sens pas bien ...

Le puissant essuie-glace balaie régulièrement le pare-brise. Cela a un effet hypnotique. Nous sommes au milieu d’un fleuve de véhicules. De notre côté, les lumières sont rouges. Au-delà de la séparation médiane de l’autoroute, elles sont jaunes. La pluie brouille tout et compose pour nous un tableau impressionniste. 
Certes, nous avançons. 
A la vitesse d’un limaçon…
Je vais peut-être manquer l’avion …

En effet, nous sommes en route pour Orly. Une de mes amies m’a offert un billet aller-retour pour Rome, la Ville Eternelle. C’est que j’ai entièrement réécrit pour elle ses deux mémoires de Master 1 et Master 2 – comme on dit maintenant – Il s’agissait de Relations Internationales et Coopération économique et financière entre la Chine et deux pays africains. Son travail était passionnant et valait bien que je l’aide à le mettre en forme. Moyennant quoi, après avoir obtenu successivement une Mention très bien, puis les félicitations de son Directeur de Thèse – un économiste connu qui enseigne à l’INALCO – reconnaissante, elle m’a fait ce cadeau.

Je devrais être aux anges ! Mais je suis triste. Très triste même. Mon humeur est l’exact reflet du temps. Je me dis que, si nous n’arrivions pas à l’heure pour que je monte dans l’avion, cela ne me ferait ni chaud ni froid. Je pense même que, si l’avion s’écrasait, la perspective de la mort me laisserait de marbre. Je ne manquerais à personne et partirais sans regrets. Ma vie a été bien remplie et très intéressante. Je peux même aller jusqu’à dire que j’ai eu une vie exceptionnelle. Toutefois, jamais je n’ai rencontré quelqu’un qui m’aime pour rien. Juste pour moi. C’est peut-être que je ne suis rien … que je n’en vaux pas la peine … que je ne mérite pas d’être aimée … Car j’imagine qu’éprouver de la joie avec un homme amoureux qui aurait à cœur de me donner un peu de bonheur, cela doit être merveilleux … ?

Penser en noir et blanc, ce n’est pas bon. Il faut penser en couleurs !

Nous arrivons enfin à Orly. Pas le temps de se garer. Mon frère me dépose devant l’entrée des Départs et sort prestement mon petit sac. « Merci ! » « Bon voyage ! Tu verras, c’est merveilleux ! » Et je me mets à courir dans l’eau qui inonde les abords de l’aérogare, rattrapant ainsi un groupe de jeunes gens. Nous sommes tous en retard à cause des embouteillages. Le plus costaud pousse les barrières qui interdisent l’accès direct à l’entrée, et le groupe s’engouffre dans la brèche. Je suis. D’autant plus vite qu’à les entendre parler, j’ai déjà compris qu’eux aussi vont à Rome. Nous passons les contrôles….. et je me retrouve assise sur le modeste siège d’une compagnie « low cost » - en bon français – qui ne sert même pas un verre d’eau à ses clients. A vrai dire, cela m’est indifférent.

Je n’ai pas manqué mon avion, mais j’ai beau me répéter que je vais à Rome, cela me laisse de marbre. Electrocardiogramme plat.

Pourtant, j’ai un petit peu préparé ce voyage. Sur les conseils d’un ami, j’ai acheté sur Internet une Carte Pass – c’est-à-dire les billets pour les visites des principaux sites touristiques – et réservé une chambre par l’intermédiaire du groupe AirBnB. Je suis même allée dans ma librairie favorite acheter un plan de Rome que je pourrai glisser dans mon petit sac à main. Mais j’avoue n’avoir fait aucune autre recherche. Je vais donc arriver là-bas la bouche en cœur et les yeux au ciel !

Comme ce vol est rapide ! Nous atterrissons déjà à Rome Fiumicino – Léonard de Vinci. Et après un petit moment en train, je descends à la Stazione Trastevere. Cette gare et la place devant ne me font pas très bonne impression. Mais dès que je gagne la Via Lorenzo Valla – où je dois loger – les agréables maisons aux volets baissés, les beaux arbres dans lesquels chantent des oiseaux, et l’air tiède et délicieux de l’Italie s’unissent pour dissiper l’humeur chagrine de ce matin. C’est pourquoi, malgré la pente, c’est d’un pas assez allègre que je me dirige vers mon futur logement.

Enfin, j’arrive devant une petite porte en fer et je sonne. Presque aussitôt, elle s’ouvre sur une courette qui serait tout à fait agréable si on l’entretenait – quelques pots de fleurs ? – devant un petit immeuble résidentiel un peu étrange. La dame des lieux s’appelle Sabrina. Elle m’accueille avec un grand sourire, je pénètre dans la courette et elle s’empresse de claquer le portillon.
Je me présente. Elle se présente.
Nous nous serrons la main.
Elle me regarde avec intérêt.
Je la regarde avec intérêt.

Sous ce beau soleil italien … pardon, je reprends. Sous ce beau soleil romain, je vois une femme d’une quarantaine d’années, blonde, plutôt grande et bien en chair. Sa plantureuse poitrine est mise en valeur par un débardeur noir ; ses fesses sculpturales sont moulées dans un short également noir, mais agrémenté de dentelles ; enfin, ses « caligae » - car je ne vois guère d’autre mot approprié pour désigner ce qu’elle porte à ses pieds – et puis, mon latin me revient à toute allure ! – bref, ses caligae sont tout aussi noires. Elle a de l’allure !

Nous entrons. Oh là là ! Alors que dehors, la lumière est vive, dedans, règne la plus totale obscurité. Je cligne des yeux comme un hibou avant de pouvoir m’adapter. Sabrina me fait visiter. Cet immeuble est assez long, mais pas très haut. Elle me dit en avoir hérité de ses parents. Elle loge les messieurs à un étage, les dames à un autre étage. Jamais je n’ai vu si étrange logement … Tout baigne dans l’obscurité. Mais partout, il y a des placards et des miroirs ! Oui. Des miroirs par douzaines, grands et petits, anciens ou contemporains : dans les escaliers, dans les couloirs, dans les chambres et naturellement, encore davantage dans les salles de bain ! Sabrina parle sans arrêt. Elle m’abreuve de recommandations.

Je dois allumer les lumières pour ne pas tomber dans les escaliers.
Mais je ne dois pas oublier d’éteindre, car l’électricité coûte cher.
Je dois mettre en route le ventilateur de ma chambre pour être à l’aise.
Mais je ne dois pas chercher à ouvrir les fenêtres.
Je dois prendre mon petit déjeuner dans la cuisine du deuxième étage.
Mais je ne dois pas laisser la porte ouverte.
Naturellement, je suis venue à Rome pour visiter.
Mais je ne dois pas rentrer trop tard le soir…..
Se sent elle chargée de veiller sur ma vertu ? Cela m’amuse beaucoup !

Je la suis docilement et, tout en écoutant ses recommandations, je ne puis m’empêcher de faire mes propres observations. La déco de cet immeuble doit dater des années 60-70. Il y a encore plus de commutateurs électriques que de miroirs – et ce n’est pas peu dire ! - avec parfois des fils qui sortent…. Je me demande de quelle époque date son installation ? Mais comme je ne suis pas du tout obsédée de « normes » et de « sécurité », loin de m’inquiéter, cela m’amuse.

Je gagne ma chambre. Au fond du couloir – de je ne sais plus quel étage, mais assurément, celui des filles - à droite. Grande, pourvue d’un lit immense et de nombreux placards susceptibles d’accueillir une garde-robe de star hollywoodienne. Sabrina met le ventilateur en marche. A côté de la porte, une cabine de douche. Un peu plus loin, la salle de bain et les toilettes. C’est terriblement vieillot, mais … intéressant !

Ma mini valise en sécurité, je lui déclare que je vais me promener.
Nouvelles recommandations… Je coupe court et sors dans la rue.

C’est mon tout premier soir à Rome. Je marche au hasard des rues, mais toujours droit vers le nord, car j’ai repéré sur mes cartes que je trouverai la Rome Antique et tous les monuments les plus célèbres hors de ce quartier de Trastevere. C’est ainsi que j’arrive dans un grand parc très vert, le Parco Gianicolense. Tout ombragé d’arbres hauts et splendides, peuplé de bustes de barbus juchés sur de hauts socles de pierre, et dont le maître des lieux est, de toute évidence, un énorme cavalier de bronze noir. Je m’approche et lis l’inscription : Garibaldi. Puis, je me retourne et là, j’ai un choc ! Quelle vue splendide ! Je repère la coupole de Saint Pierre, mais il y en a bien d’autres. Puis, j’aperçois un énorme gâteau blanc surmonté de statues noires. C’est loin. J’ai mauvaise vue. Qu’est-ce que cela peut bien être ? Ce bâtiment est haut et semble assez compliqué. Mais … ces statues noires ? Comme je suis ce qu’il est convenu d’appeler « une asiate » - c’est-à-dire une expatriée amoureuse de l’Asie, avec les références culturelles qui vont bien – je pense immédiatement à des dragons. Mais, non moins instantanément, je me corrige : invraisemblable à la fois dans la Rome Antique et encore plus pour la Cité de Saint Pierre. Alors ? Des cygnes ? Non. La silhouette ne correspond pas…. C’est bien le cas de dire que j’y perds mon latin ! Mais j’en aurai le cœur net, et dès demain, je tâcherai de me renseigner au sujet de cet intriguant monument.


Je fais demi-tour et entreprends de rentrer chez Sabrina, marchant bon pas, contrairement à mes habitudes. En effet, je n’aime pas marcher. J’ai une voiture pour ça ! En chemin, je passe devant une jolie villa gardée de deux militaires italiens portant une arme que j’estime être un FAMAS. Dans la rue, une jeep. Sur le mur, une plaque modeste sur laquelle je lis « Ambassade des Etats-Unis ». Est-ce vraiment l’Ambassade ? J’opterais plutôt pour la Résidence de son Excellence américaine. Je salue des gardes qui me sourient. De toute évidence, ils ne surveillent rien du tout parce qu’ils m’ont laissé prendre des photos de cette charmante villa, avant que je lise la plaque. Jamais des Marines ne m’auraient laissée faire !

Comme je n’aime pas revenir sur mes pas, je prends d’autres rues et demande parfois ma route. Les gens sont hyper gentils mais radicalement incapables de lire une carte ! Ils ne peuvent même pas pointer l’endroit où nous sommes ! Exactement comme les chinois ! Il est vrai que la plupart des gens ne peuvent comprendre que des lieux, familiers ou inconnus, puissent être mis en abstractions et projetés sur papier. Il est donc normal qu’il leur soit impossible de retraduire ces projections, en lieux familiers ou inconnus. Je passe au petit supermarché local et rentre prendre une bonne douche. Mais….je ne trouve pas le commutateur pour allumer. Pas grave. Je suis seule. Je laisse la porte ouverte. Alors, une fille arrive. Elle connaît les lieux et me donne de la lumière. Toute dégoulinante, je lui apparais en tenue d’Eve. Nous rions beaucoup !


Le Circus Maximus. Ruines des bâtiments qui l’entouraient

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