dimanche 23 septembre 2018

Urbs ... La Ville Eternelle - Impressions de voyage - Quatrième jour

"Urbs ... La Ville Eternelle"
Impressions de voyage - Quatrième jour


Déjà jeudi ! 


C’est mon quatrième jour à Rome et je commence à me familiariser avec cette ville, ses habitants et ses touristes. Ce soir, je suis assise sur une chaise de tubulures métalliques, devant un minuscule guéridon de marbre sur lequel je viens d’écrire bon nombre de cartes postales pour les amis en France, au Canada, en Australie, et même en Afrique du Sud !  C’est un bistro de quartier. Dans la journée, il est fermé, mais le soir, le patron sort deux ou trois guéridons et quelques chaises, pour que les gens du voisinage viennent boire un verre et papoter. Viale Giulio Barrili. Je suis donc tout près de chez ma logeuse, car je ne saurais dire « chez moi » pour parler de cet antre si noirâtre que, même en plein jour, si l’on ne trouve pas les boutons des minuteries, on risque de tomber dans les escaliers ! D’ailleurs, je n’aime pas cette maison, sa déco des années 60, les croûtes accrochées aux murs, et les meubles en excès dont les tiroirs mal fermés laissent voir une quantité d’affaires indéfinissables jetées en vrac….



La cuisine est déprimante. Minuscule. Bourrée de petits meubles dépareillés dans lesquels on peut trouver toutes sortes de boites de … comestibles étranges. Le frigo, tout rouillé, pue. L’évier est perpétuellement bouché. Je suppose que les canalisations datent de l’époque de Jules César. Casseroles et gamelles sont cabossées. La petite table est vacillante. Et la fenêtre est équipée d’une moustiquaire gluante de crasse noirâtre qui empêche de bien voir la rue en contrebas. Ce matin, j’ai pris mon thé dans une tasse énorme, grosse comme une petite soupière, sur laquelle on pouvait lire « I love Playboy ! ». Seigneur !



Mais comme je le disais au début de ce récit, il ne convient pas de voir la vie en noir et blanc. Il faut la voir en couleurs !  Aussi ai-je trouvé un avantage aux innombrables miroirs de ma salle de bain. Je m’y vois, démultipliée, de face, de profil droit, de profil gauche, et de fesses ! Ah ! Ah ! Ah ! Rome est la ville des fesses, des cuisses et des gros seins. Et ma foi, j’ai la fatuité de me trouver tout à fait acceptable – surtout en considération de mon âge. Seulement, une chose est certaine, moi qui me suis toujours fait traiter de demi-portion, à Rome, comparée aux beautés de Michel Ange, je ne suis plus qu’un huitième de portion … Mais cela me convient tout à fait !

Par ailleurs, je dois reconnaître que je me douche à l’eau chaude dans une étrange mais grande salle de bain bien équipée que je n’ai pas besoin de partager avec d’éventuels indélicats. Je dors dans une chambre très calme. Et j’ai du WiFi. Cela me permet de garder le contact avec tous mes correspondants habituels !

Je trouve le tout fort appréciable.



Ce matin, je suis sortie avec pour objectif d’aller manger mon petit sandwich au pied du Château Saint Ange, pour écouter le violoniste qui y joue chaque jour. J’aime tellement la musique ! Il joue des airs connus, classiques ou dansants, des chansons qui ont fait le tour du monde, parfois des complaintes nostalgiques… Après l’avoir écouté tout mon saoul, je suis retournée sur la Place Saint Pierre pour y attendre le bus à impériale du Vatican. C’est un beau bus jaune-orangé dans lequel je peux voyager gratuitement. Je grimpe prestement, mais les premiers sièges sont déjà occupés par des allemands. De vrais géants ! Hauts comme des montagnes, gras comme l’ogre du Petit Poucet. Alors, je me mets sur le côté pour pouvoir tout de même voir la ville et prendre des photos. Nous faisons un très long tour et passons par tous les quartiers les plus intéressants. Il y a à Rome un tel amoncellement de monuments historiques que c’est à en avoir la tête qui tourne. Impossible de les voir tous. C’est à la station 13 que je descends. Le Colosseo.



C’est le Colisée. L’immense, le gigantesque, le plus grand cirque du monde antique. Il pouvait accueillir entre 50 et 80.000 spectateurs, selon que les estimations sont objectives ou inflationnistes. Chef d’œuvre de l’architecture romaine.  L’ingénierie très complexe – je pense, entre autres, aux prouesses techniques qu’il a fallu déployer pour pouvoir présenter des naumachies – est proprement stupéfiante. Mais personne n’explique l’origine du nom. Colosseo, en grec comme en latin, désignait une statue de très grande taille. Probablement celle de Néron, qu’il avait fait faire pour en orner sa Domus Aurea. Lorsqu’il fut frappé de Damnatio memoriae, on démantela sa demeure mais on modifia le visage de la statue et elle finit pas donner son nom au gigantesque cirque. Enfin, il est bien difficile de résumer tout cela en quelques mots. Mais c’est tout de même une explication. Quoiqu’il en soit, nul n’a jamais contesté que ce crique ait été un instrument de la politique impériale, qui consistait à donner à la plèbe du pain et des jeux pour la faire tenir tranquille.





Fière de ma photo ! Elle pourrait illustrer une plaquette touristique



Le gigantisme est écrasant. Or, ce colossal édifice a été entièrement construit en pierres, briques et marbres. Ce qui explique qu’il soit encore debout malgré les siècles, les tremblements de terre, les crises politiques, et la tendance universelle qu’ont les bâtisseurs de prendre les monuments anciens pour des carrières de matériaux de construction. Par parenthèse, je me demande si le Stade Olympique de Pékin, ce célèbre « Nid d’oiseau » construit en métal et pouvant accueillir près de 90.000 spectateurs, tiendra encore debout dans mille ans ? Ah ! Ces romains ! Quels bâtisseurs !



Je passe un très long moment dans cet espace si chargé d’histoire et de crimes. De politique et d’orgueil. De démesure et de démence. D’espoirs et de morts. De beauté et d’horreur. De chants pieux et de hurlements de terreur ou d’enthousiasme. Enfin….de ce qui fait la vie des hommes. Je prends des photos, pour moi et pour d’autres, qui me rendent la pareille. Faire le tour complet d’un tel édifice demande du temps ! 






Une fois descendue, je regagne les quartiers que je connais le mieux en marchant doucement et en admirant les Fori, les colonnes, les statues des Empereurs … Je salue Auguste. Familièrement. Car c’est une photo de sa statue qui figurait sur la couverture de ma grammaire latine, ce qui fait de nous de vieilles connaissances.



Une fois de plus, je suis frappée par la profusion de marbres. Mais je dois dire que, si les marbres chrétiens me semblent avoir peu de rapport avec l’Evangile, les marbres romains, eux, me semblent avoir beaucoup de rapport avec le mode de vie actuel. C’est que l’histoire est cyclique, comme le pensent les chinois. « Panem et circenses » est la devise de nos sociétés contemporaines.



C’est sur ces réflexions que j’ai regagné le Trastevere.



Et me voilà maintenant, assise Viale Giulio Barrili, presque morte de soif. Dans un bistro, c’est un comble ! Mais, alors que j’écrivais, je gardais tout de même un œil autour de moi, et il m’a semblé qu’ici, les clients vont se servir eux-mêmes. Le patron tient la caisse. Alors, très désireuse de boire au plus vite une bouteille de Peroni Dal 1846 - une bière locale – je me lève,  contourne les buveurs de café, avise un grand frigo dans lequel je vois une agréable collection de bouteilles de Peroni, et, après m’être saisie de l’une d’entre elles, je vais régler le patron. C’est un homme jeune, de taille et de corpulence moyenne mais pas très bien habillé. Il est carrément mal rasé et porte plusieurs anneaux en argent à chaque oreille. Il ne lui manque plus qu’un petit foulard noué de travers sur la tête pour pouvoir figurer – sans maquillage – dans « Pirates des Caraïbes » !



Un souvenir me revient, de façon tout à fait inattendue. Il y a trois ans, presque jour pour jour, j’étais à Vientiane. Un soir, rentrée assez tôt à mon hôtel, j’étais allée m’asseoir à une table en bois noir faite pour accueillir au moins dix personnes, et, naturellement, j’avais commandé une bière. A côté, tout un groupe de jeunes gens et jeunes filles jouaient aux dés. Le jeu consistait à mettre deux dés sous un gobelet en carton, à secouer, puis à soulever le gobelet. Selon le score, on pouvait obliger le précédent à boire un petit verre d’une liqueur très forte, ou on devait le boire soi-même … Un très beau jeune homme, qui ressemblait étonnamment à Johnny Depp dans le rôle de Jack Sparrow, s’était levé, et, après m’avoir saluée d’une façon très sympathique, m’avait déclaré tout de go qu’il voulait aller  jouer au billard avec son camarade et donc, il me proposait de le remplacer au jeu de dés. Après tout …. Pourquoi pas ? J’avais donc joué avec eux un bon moment. Toutefois, j’avais posé pour condition sine qua non que je trinquerai à la bière.



Moi qui ne joue jamais à rien, et ne sais jouer à rien, j’avais passé un excellent moment avec ces jeunes australiens. Tant et si bien que je n’avais pas vu le temps passer. Mais, les meilleurs choses ayant une fin, j’avais fini par regagner ma chambre, après avoir embrassé la jeune fille qui dirigeait le jeu et salué mon Johnny Depp, qui m’avait fait le baise main, sous les applaudissements de ses copains !



Bon. Ce soir, je suis à Rome. J’observe mes voisins de guéridon. Exclusivement des hommes, assez âgés, gras et pas bien beaux, mais qui ont l’air sympathiques. Ils bavardent comme de vieilles pies et ne se privent pas de me regarder avec intérêt. Et moi, je les écoute avec bonheur, parce que je trouve la langue italienne si euphonique, familière et charmante. J’aurais dû l’étudier. Pour qui a fait du grec et du latin des années durant, cela ne doit pas être bien difficile. Et puis, les italiens me semblent très sympathiques, a priori. 


Le Parco Gianicolense


 Lorsque je traverse ma petite forêt préférée – c’est-à-dire le Parco Gianicolense – j’y vois des gens qui viennent là chaque matin. Les familiers. Ils doivent habiter tout près. Les hommes ont un type particulier. Nombreux sont ceux qui ont le crâne rasé. Mais quand ils ont d’abondants cheveux, ils les conservent assez longs, ondulés, très soignés, même à un âge certain. Je trouve cela très séduisant. Ils donnent l’impression d’être raffinés. Quant aux femmes, je les trouve vraiment très belles. En général, plutôt grandes et bien en chair, mais sans excès. Et si féminines ! Elles portent des robes, beaucoup de dentelles, des ensembles simples mais chics, ou des pantalons ouverts de partout et flottant sur de jolies jambes bronzées…. Une française en robe ? A part moi, sincèrement, je n’en connais aucune.



Les gens vont et viennent. Causent et s’interpellent familièrement. De toute évidence, tout le monde se connaît. Etant seule, cela me fait du bien de les entendre. Ah  mais ! Le patron aux boucles d’oreilles dépose sur mon guéridon un bol métallique rempli de cacahuètes et pourvu d’une petite cuiller de service. C’est amusant ! Mes pensées suivent leur cours. Le passé, le présent, les joies et les amertumes se mélangent. Mon cerveau, à l’instar de la maison de Sabrina, est pourvu de mille commutateurs. Mais je n’ai jamais trouvé celui qui correspondrait à « Off » … Je vais prendre une autre bouteille dans le frigo. Mon pirate m’apporte des chips. Décidément, il est aux petits soins ! Je ne mange jamais de chips. Toutefois, par amitié, j’en prends une, puis je me lève,  remercie beaucoup et m’en retourne Via Lorenzo Valla.



Ruines des bâtiments qui bordaient autrefois 
- il y a très longtemps - un des côtés du Circus Maximus - 
Lequel fut remplacé par la suite par le Colisée -

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