dimanche 21 septembre 2014

"Quatre années au Cambodge" - Rencontre avec le Docteur Helmut Mad

Voici la suite de l'aventure de ma fille Marie. Elle s'était ouvert le genou avant que nous ne partions pour Kompong Cham. Mais la plaie, loin de guérir, empire.... Après une conversation avec ma nouvelle amie Inger Burns, épouse de Son Excellence Sir David Allan Burns - Ambassadeur de Grande Bretagne - et sur ses conseils, je fais la connaissance du Docteur Helmut Mad.


Extrait du Chapitre 3.

Voilà un mois que nous sommes arrivées dans ce pays. La vie commence à s’organiser sérieusement, bien que nous habitions toujours à l’Hôtel Sakol Moy. Ma fille et moi avons parcouru les rues de la ville à pied[1] ou en cyclo-pousse, ce qui est le meilleur moyen pour observer tout dans les moindres détails. Un jour, nous avons trouvé une petite Ecole Française – enfin, quelque chose qui y ressemble, avec beaucoup de bonne volonté. Mais nous sommes des personnes très ouvertes, et nous y allons ! Marie y a été admise d’emblée et elle y passe quelques heures par jour, vivant sa vie de fillette observatrice, intelligente, et surtout – au contraire de bien des gens – avide de toute nouvelle expérience.

Pendant ce temps, je m’informe, j’écoute parler les hommes, j’explore la ville. Mieux ! Je fais quelques connaissances. On me dit que l’épouse de l’Ambassadeur d’Angleterre cherche un professeur de français. Qui mieux que moi pourrait lui enseigner la langue de Molière ! Détail révélateur : comme je l’ai déjà raconté, le personnel de l’Ambassade de France loge dans un Hôtel autrefois construit par les russes. Pièces très hautes, tentures de velours rouge partout, sanitaires réduits à quelques tuyaux symboliques… Alors que Son Excellence britannique, Sir David Allan B. réside au Cambodiana, le seul Hôtel International de tout le pays, au bord du Mékong. Et il n’est pas le seul. Son Excellence Charles T. Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique est son voisin !

Le couvre-feu est toujours en vigueur. On ne s’attarde nulle part passés les 18 heures. Dans ces pays proches du Tropique, la durée du jour est à peu près égale à celle de la nuit, environ 12 heures, avec quelques variations saisonnières. Tous les pensionnaires de l’Hôtel Sakol Moy se retrouvent autour de la grande table pour le dîner. « Dernier salon où l’on cause », il y règne une joyeuse animation. C’est en effet là que s’échangent toutes les nouvelles, car il y a des diplomates, des militaires, le type de la DGSE[2] et très souvent, des invités de passage. Mais ce soir, nous sommes tous un peu inquiets parce que le genou de Marie, au lieu de cicatriser, va de plus en plus mal. Elle ne peut plus marcher tellement elle souffre et la plaie est gonflée, enflammée et très rouge.

Tous compatissent. De toute la communauté des expatriés, elle est la seule enfant, et tout le monde apprécie sa charmante frimousse et sa vive intelligence.

Le Docteur Rosseler l’avait soignée, mais il semblerait que le voyage à Kompong Cham ait empiré la chose. Bien qu’elle ait peu marché, il eut certainement mieux valu qu’elle ne marchât pas du tout !

A l’unanimité, on me conseille une seule adresse « le Docteur Français » médecin militaire qui accompagne la Mission d’Assistance Militaire Française. Dès le lendemain, nous y allons dans la voiture diplomatique blanche conduite par Monsieur Huang, tout attendri par les malheurs de la jolie petite fille… Ce docteur est une brute ! Oh ! Pas physiquement ! Sa taille est même plutôt modeste. Mais ses gestes sont très mauvais et il n’est pas gentil du tout. Après avoir ôté le pansement posé par son collègue australien, il découvre une longue et profonde entaille, met ses doigts autour et presse fort en demandant « Ca fait mal ? » Evidemment que ça fait mal ! Rien que de le voir, j’ai très mal ! Quant à Marie, elle a si mal qu’elle hurle ! « C’est rien » dit l’autre sans se démonter. Et il met quelques morceaux de tricostéril.

Oui. « C’est rien ». Ca me fait penser aux gens qui nourrissent un molosse et vous disent « Il est pas méchant ». Et peu de temps après, on apprend que le dit gentil molosse a été piqué pour morsures graves sur des enfants, ou autre chose du même genre… Cet affreux bonhomme a fait pleurer ma fille. Il ne l’a pas du tout soignée, mais il a tout de même dit qu’il ne fallait pas qu’elle marche pendant quelques temps. Cela me semble une confirmation du diagnostic du docteur australien.

Toutefois, les jours passent et n’apportent aucune amélioration. J’ai vu la plaie et je sens bien que c’est sérieux. Mais que faire ?

Vient le jour de la leçon de français à l’Ambassadrice de Grande Bretagne. « Comment vas-tu ? » me demande Inger. Nous avons toujours de longs préalables au cours desquels nous échangeons les dernières nouvelles. Ici, c’est vital. De plus, c’est la seconde nature des diplomates et de leurs épouses : la recherche des informations…. de toutes sortes ! Après un moment, je finis par lui parler de l’accident de ma fille, de l’incompétence manifeste du docteur français, et du fait que son état ne s’améliore pas – ce qui me cause grands soucis pour sa santé et pour son moral. Car c’est insupportable de passer les journées la jambe allongée sur une table basse, au lieu d’aller gambader dehors au soleil, à son âge, et avec tout ce qui s’offre à nous !

« Ne te fais pas de soucis » me dit-elle, très sûre d’elle. « Demain, les docteurs allemands arrivent. Tu sais comme ils sont compétents ! Il faut que tu ailles les voir avec ta fille. Et ce sera d’autant plus facile qu’ils vont s’installer dans une villa restaurée à deux rues du Sakol Moy » Oh ! Merci ! Voilà qui me rend espoir. L’efficacité et la compétence des allemands n’est plus à prouver, particulièrement dans le domaine médical. Quant à leurs médicaments, ce sont de véritables « potions magiques » grâce au niveau de leur recherche en chimie et pharmacologie.

Un des gardes de l’Ambassade, grand, blond, costaud, porte ma petite Marie dans ses bras du premier étage de l’Hôtel jusque sur le siège du cyclo-pousse que son collègue a arrêté dans la rue. Il descend l’escalier tout doucement, posant avec précaution un pied après l’autre sur le rouge tapis russe, à la fois splendide et ridicule. Elle rit d’aise et il lui parle gentiment. Il la dépose en douceur sur le siège de plastic râpé et décoloré du cyclo, déjà chaud des rayons du soleil, et nous allons deux rues plus loin. Marie porte un petit ensemble à carreaux de toutes les couleurs, chemise et mini short, la tenue de sport de sa dernière école… en Afrique ! C’est que nous sommes de véritables aventurières ! C’est pratique, les jambes sont à l’air.

A la vue du pansement, un jeune gaillard très musclé et très souriant s’approche avec empressement, se penche vers elle, la prend dans ses bras, et l’emmène à l’intérieur du bâtiment. Je la suis tout à fait rassurée par sa prestance et son savoir faire évident. Ses cheveux épais et bouclés sont d’un roux flamboyant, ainsi que sa barbe longue et large. Un descendant de Frédéric Barbarossa ? ! Il dépose ma fille sur une table d’examen et me fait signe d’aller m’asseoir dans la petite pièce à côté.

Je reste assise un bon moment, attendant docilement que l’on vienne me chercher pour me faire part du diagnostic et de la marche à suivre pour un traitement. De l’autre côté de la petite pièce suivant la salle d’attente il y a un bureau. Un grand monsieur en blouse blanche en sort. Il passe vite et je ne vois que son dos. Je suis intimidée… J’attends sans bouger. Je commence à trouver que ça dure beaucoup. J’entends parler allemand à côté, mais je ne comprends pas cette langue. Quelques fois je distingue la voix de ma fille, mais je ne sais pas ce qu’elle dit. Enfin, le grand monsieur repasse et Barbarossa vient me dire – en anglais – que le Chirurgien Chef veut me voir. Le Chirurgien Chef… Oh, My God ! Et il me fait entrer dans le bureau d’à côté.

C’et là que je l’ai rencontré pour la première fois.

Le Docteur Helmut Karl Mad, Chirurgien, Colonel dans la Bundeswehr, en mission humanitaire au Cambodge. Grand – plus d’un mètre quatre vingt – large d’épaules, mais mince. Un visage d’un ovale régulier, les yeux très clairs, de profondes rides sur le front et de chaque côté de la bouche, et plus beaucoup de cheveux. Mais une belle harmonie. Une profondeur dans le regard qui exprime à la fois fermeté et bonté. La blouse blanche n’est pas boutonnée. Il s’assoit derrière sa table, y pose les coudes et croise les doigts. Il me regarde droit dans les yeux, sans l’ombre d’un sourire. Je lui rends son regard, mais je suis intimidée et je crains le verdict médical, tellement il est solennel.





Le Docteur Helmut Mad – 1936 - 2011

« Alors, Madame – me dit-il en agitant son index droit comme lorsqu’on tance les petits enfants – vous avez été voir le docteur australien, puis le docteur français, et maintenant vous venez voir le docteur allemand : moi. Et demain, vous irez voir qui ? » Je ne m’attendais pas à ça ! Je lui explique que le docteur australien était le seul que connaissait la responsable de la petite école où avait eu lieu l’accident, et qu’ensuite, tout le monde m’avait enjoint d’aller voir le docteur français, puisque nous sommes françaises. Mais, vu son attitude et le fait qu’il n’avait dispensé aucun soin, ma nouvelle amie, l’Ambassadrice d’Angleterre, m’avait conseillé de venir le voir, lui. Il est toujours préférable de dire la vérité…

« Alors, Madame, vous allez me promettre de venir ici, tous les matins avant 8 heures. Je vais m’occuper de votre fille. Nous lui ferons des pansements et elle ne devra pas mettre le pied par terre. Sinon …. J’attends un bloc opératoire qui devrait arriver dans quelques jours. Elle sera ma première opérée ».

Très effrayée, je promets tout ce qu’il veut. Chaque matin nous arrivons en cyclo-pousse. Après un petit voyage dans les bras musclés du garde de l’Ambassade, Marie se retrouve dans les bras rassurants de l’infirmier Barbarossa. Maintenant qu’on se connait, je suis autorisée à assister au renouvellement du pansement. Une fois même, Marie a les honneurs des caméras allemandes pour un reportage intitulé « Les Docteurs Allemands au Cambodge ».

Le chirurgien passe comme une ombre blanche, constate les progrès, et abandonne son projet d’opération ! Puis toute l’équipe des docteurs allemands va s’installer dans un grand bâtiment sur la route de l’aéroport. L’hôpital de campagne est arrivé avec le bloc opératoire et tout le matériel. Mais nous ne sommes plus concernées. Marie est guérie. Le Docteur Mad a sauvé sa jambe.


[1] - A cette époque, Phnom Penh comptait environ 700.000 habitants (estimation)
[2] - La DGSE est la Direction Générale de la Sécurité Extérieure. Fondée en 1982  pour prendre la suite du  SDECE, Service de Documentation Extérieur et de Contre Espionnage. Depuis 2008, la DGSE a été placée sous l’autorité du Ministre de la Défense.


samedi 20 septembre 2014

"Quatre années au Cambodge" - Voyage à Kompong Cham

Voici un autre extrait de ce chapitre 2 dans lequel je raconte nos premiers moments au Cambodge. Mais avant tout : une carte du pays :








Nous avons trouvé une petite Ecole pour ma fille Marie, mais.....


Ah ! Voilà que la pauvre Marie a eu un accident à l’école ! Elle est tombée dans l’escalier et s’est sérieusement ouvert le genou droit. La responsable l’a emmenée en urgence voir le Docteur Peter Rosseler, australien, qui soigne les expatriés et a très bonne réputation. Il a posé des straps et mis un gros bandage. Il faut qu’elle fasse attention pendant quelques temps pour que la cicatrisation se fasse bien. Malgré cet accident, ce samedi 16 mai, nous décidons d’aller à Kompong Cham en excursion-reconnaissance, pour nous faire une idée de la situation en province. Marie est installée à l’arrière de la 405 le plus confortablement possible, mais elle semble tout de même avoir assez mal au genou…


Notre destination n’est même pas à cent kilomètres de la capitale, en direction du nord-est, mais c’est une autre planète. Les pistes sont encore sèches et poussiéreuses, sillonnées par des camions blancs sur lesquels sont peintes les deux lettres UN en noir. Nous prenons un bac pour traverser le Tonlé Sap. Pendant que le Colonel et Monsieur Huang, le chauffeur chinois, s’occupent de la voiture, je regarde autour de moi et prends des photos. Les gens sont à peine vêtus – mais il fait chaud – et leurs cahutes sont bien misérables, mais tous sont très amusés, voire excités à la vue de tant d’étrangers. Ils nous regardent amicalement et les enfants courent autour de nous en riant. Quelques jeunes femmes essaient de vendre des graines de lotus. Les militaires ne savent pas ce que c’est mais moi, qui viens de Taïwan, je sais bien et je leur explique. Les filles vont cueillir les tiges au bout desquelles la fleur s’est transformée en quelque chose qui ressemble tout à fait à une pomme d’arrosoir verte. Même forme et petits trous ronds. Mais sous la peau, les graines, grosses comme des pois chiches, encore fraîches. On peut les faire sécher pour les conserver, si l’on veut. Ensuite, il faut les faire tremper et bouillir avec un peu de sucre pour faire une sorte de dessert. C’est nourrissant. Je ne doute pas que pour les khmers, les graines de lotus aient été de précieuses denrées lors de la famine. Mais pour nous autres, trop bien nourris, ce n’est pas très attractif…








La Villa à la Rose (Kompong Cham)


Kompong Cham est une ravissante petite ville au bord du Mékong qui avait été entièrement construite par les français du temps du Protectorat. Les rues sont larges, bordées de flamboyants en fleurs, dans lesquels les gamins grimpent comme des singes ! Il y a encore un grand nombre de ravissantes villas coloniales pas trop endommagées. Celle-ci a un balcon en avancée sur le jardin et les volets ressemblent tout à fait à ceux d’une petite maison de village français, encore bien propres, peints en bleu ciel. Celle-là comporte un étage et des fenêtres arrondies en arcades, ombragées par les palmiers. Ah ! Voilà celle que je préfère ! De petite taille mais parfaitement symétrique. On accède à la porte d’entrée par un double escalier aux marches basses. De chaque côté, une sorte de niche décorative octogonale peinte en bleu vif, et deux fenêtres aux volets en lattis de même couleur. Au dessus, un fronton triangulaire soutenu par deux colonnettes, et sur lequel on peut voir une rose peinte et des rubans décoratifs en trompe l’œil. Quant au toit, il est recouvert de tuiles ! Comme cette maison me plait, quel charme s’en dégage, ne pourrions-nous pas l’acheter et venir y passer nos week-ends ? Hum… Pas très réaliste. Mais on peut toujours rêver, n’est-ce pas !


Kompong Cham est la ville natale de Monsieur Huang, le chauffeur du Colonel. Il y a tous ses souvenirs d’enfance - de famille - je suppose. Il nous dit cela en chinois et nous sentons bien qu’il a envie de pleurer. Il est tellement nostalgique…. Monsieur Huang est un tout petit monsieur très maigre, aux abondants cheveux poivre et sel, très ponctuel et attentionné, totalement dévoué à son patron. Nous l’aimons tous beaucoup. Il présente une particularité amusante : son âge change selon le degré de considération que Le Colonel lui accorde. Quand tout va bien et qu’il est content de partir quelque part en sa compagnie, il a tout juste une cinquantaine d’années. Mais si son patron l’a fait tellement attendre et l’a oublié, l’obligeant à sauter son repas plusieurs fois de suite, il vient me voir pour m’expliquer qu’à bientôt soixante ans, et après une vie très difficile, il ne peut plus se permettre de jeûner parce que cela lui donne des maux d’estomac… Bien sûr ! Alors, je sermonne l’intéressé, Monsieur Huang déjeune mieux, retrouve le sourire et … sa jeunesse !


Ce soir, c’était la pleine lune. Nous avons fait quelques pas devant l’Hôtel Mékong où nous nous apprêtions à passer la nuit. Quel beau spectacle ! Je trouvais ce moment émouvant. A force d’y avoir cru, nous y étions, au bord de ce fleuve magique ! Et j’y avais probablement cru plus fort que François. Je lui ai pris la main pendant quelques instants, ne pouvant m’empêcher de penser que, si nous étions là, c’était en partie grâce à moi, et aussi que, pour la première fois, nous étions ensemble dans un endroit vierge de tout souvenir pour nous deux ! Partout ailleurs, il était déjà passé avec quelqu’un d’autre, et cela finissait par m’assombrir passablement… Je n’ai pas su ce qu’il pensait ce soir-là, mais j’avais l’impression qu’il était heureux.

Les bords du Mékong, comme tout le Cambodge, sont sales. Nous avons donc continué la promenade en voiture. Avant que nous partions, on nous avait dit « A Kompong Cham, ça flingue ! » mais nous n’avons pas entendu le moindre tir et toute la région nous a semblée calme. Cela nous a d’ailleurs été confirmé par les observateurs sur place : des français et des indiens. Les français, nous les avions invités à notre cocktail parce qu’ils se trouvaient à Phnom-Penh à ce moment là. Ils nous ont donc invités ce soir, mais c’est tout de même moi qui ai payé la note de restaurant car ils s’étaient très habilement arrangés pour l’ignorer ! Typiquement français ! Le lendemain dimanche, c’était au tour des indiens de nous inviter. Ils avaient commandé le « menu spécial » du meilleur restaurant de la ville, une effroyable gargote d’une saleté repoussante tenue par un chinois. Mais quand il y a du soleil et des arbres en fleurs tout autour, la saleté, comme la misère, sont beaucoup plus supportables ! Avant de partir, nous pensions que les observateurs étaient très privés des joies de la civilisation. François avait donc pris la bouteille de whisky que Marie et moi lui avions rapportée de France pour l’offrir aux observateurs français. Mais Marie était ulcérée qu’il ne la garde pas pour lui, et moi, non moins ulcérée qu’il l’offre à des pique-assiette. Nous avions donc caché la bouteille ! Et dimanche, nous l’avons offerte aux gentils indiens, en présence des autres qui, sans aucune vergogne, s’étaient imposés. Eh, oui ! Ce sont de bien petites choses. Mais les rapports humains sont faits de petites choses. Le colonel indien est venu s’asseoir à côté de moi et a été tout à fait charmant. Beaucoup plus gentil que le colonel français qui est récemment arrivé à Phnom-Penh et qui est un misogyne notoire…
Durant ce déjeuner, nous avons parlé de repartir pour Phnom-Penh par la route de l’Est qui longe la rive droite du Mékong et va plein Sud vers Prey Veng. Tout le monde a essayé de nous en dissuader, à tel point que François semblait ébranlé dans son projet. Nous avons donc décidé d’aller visiter une plantation d’hévéas rive droite, puis de repartir par la même route qu’à l’aller. Mais l’attrait de l’aventure a été le plus fort, et, une fois décidés,  nous avons quitté en trombe les belles voûtes formées par les branches des hévéas, pour nous lancer sur la « route de Prey Veng » avant que la nuit ne tombe. Ce n’est plus une route. Même pas une piste. Cela ressemble à un large mur qui s’effondre, au sommet duquel, entre éboulis et cratères, on fait de très gros efforts pour ne pas briser la belle 405 blanche. Lorsqu’on peut rouler en contrebas sur le sable ou au bord des rizières sèches, ou dans les ornières tracées par les chariots  à buffles, c’est mieux. Et j’ai moins peur pour Marie. Mais les passages les plus difficiles et les plus dangereux sont les petits ponts. Il y en a au moins une dizaine et tous sont aux trois quarts détruits. On passe sur des solives en métal. Il faut descendre de la voiture et poser des planches devant les roues. Mais il n’y a pas assez de planchettes. Donc, quelqu’un doit faire avancer la 405 très très doucement, pendant que les autres prennent les planches derrière pour les remettre devant, sous les roues !






Le Colonel au volant et Monsieur Huang à la manoeuvre



Les paysages sont dépouillés et monotones, mais on peut trouver ça beau : lagunes, rizières sèches et palmiers à sucre à perte de vue. Tout le long de la route, des maisons de bois sur pilotis, pauvres, mais charmantes à regarder, il faut le dire. Ce qui est très inquiétant, c’est l’état sanitaire de la population. Vieillards squelettiques couchés auprès de l’unique porte de la maison, édentés et chauves. Enfants tout maigres, aux cheveux roussis par la malnutrition, ventres gonflés, entièrement nus. Les gens valides sont petits et très maigres, noirauds, hirsutes, vêtus de haillons ou d’un seul pagne, et naturellement pied-nus. Et je ne cessai de me demander : que mangent-ils ? Mais que peuvent-ils donc bien manger ? Les rizières sont abandonnées depuis longtemps et ils ne cultivent pas un légume. D’ailleurs ils n’en auraient pas la force. La misère physiologique est quelque chose d’effrayant. Quand j’entends les étrangers bourrés de bons principes parler de l’installation de la démocratie, d’élections libres et de développement, je me demande si je ne rêve pas ! Il vaudrait mieux parler de riz et de légumes. Je n’ose même pas évoquer poissons et viandes car je ne pense pas que leurs estomacs les supporteraient ! Ces pauvres êtres réduits à l’état de loques humaines ne sont certainement pas aptes à comprendre les étranges idées de tous ces étranges étrangers tombés du ciel…


Enfin, nous sommes rentrés dans la capitale, bien fatigués – du moins Marie et moi -  et la tête toute bourdonnante d’images, impressions et réflexions, souvenirs déjà… Nul doute que tout cela ne fasse l’objet d’un rapport de la part du Colonel ! Cette vie est aventureuse, peut même être dangereuse, mais tellement intéressante ! Maintenant, il faut que nous nous installions dans la belle villa.








Hotel Mékong à Kompong Cham
Marie fait flotter les couleurs de l’ONU
 

"Quatre années au Cambodge" - Présentation générale


 Cela fait maintenant plusieurs mois que je me suis absentée de ce Blog - si je puis dire - Mais aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon dernier livre intitulé "Quatre années au Cambodge". J'y raconte l'histoire de la réouverture de l'Ambassade de France après plusieurs dizaines d'années d'abandon, de guerre civile, révolution, génocide et invasion étrangère. L'arrivée de l'ONU - UNTAC pour les anglophones ou APRONUC pour les francophones - L'installation de tous les Bataillons des soldats de la paix sous l'égide du Général John Sanderson, Australien. 

J'y fais le portrait de nombreuses personnalités, celles qui étaient "en poste" à Phnom-Penh à cette époque, et celles qui ne faisaient que passer en visite officielle. Et aussi celles dont on ne parle pas dans les livres d'histoire ! Car, en fait, c'est "mon" Cambodge que je raconte. Après avoir écouté des centaines de fois les hommes "refaire le Cambodge" - expression dont je revendique la création ! - j'estime que je peux également participer et raconter ce dont j'ai été le témoin privilégié.

Ce livre raconte donc deux histoires parallèles : celles de la vie diplomatico-militaire et onusienne du Pnom-Penh de cette époque, et la mienne. Les heurs et malheurs d'une épouse de diplomate. Sa vie quotidienne dans un pays très difficile. Ses rencontres, car les personnages exceptionnels ne manquaient pas. Ses aventures parfois ! 
Voici ce qu'en dit mon Editeur :


Je suis reconnaissante à mon éditeur de publier, une fois de plus, mon travail et mes souvenirs. La Société des Ecrivains m'accompagne depuis ma toute première publication qui était mon Roman "Romantique Zhu-Hai", suivi de "Professeur à Taïwan". En réalité, si je voulais suivre l'ordre chronologique, ce serait :
1 - Professeur à Taïwan
2 - Quatre années au Cambodge
3 - Romantique Zhu-Hai



Très prochainement, je me propose d'offrir à mes lecteurs quelques extraits de mon livre. Vos commentaires seront très appréciés !

A bientôt ! Amélie de la Musardière

"Quatre années au Cambodge" - L'Ambassade de France, quelques personnages marquants


Voici quelques extraits du Chapitre 2 : 

L'Ambassade de France



Parlons un peu de l’Ambassade de France. L’ancienne Ambassade, celle devant laquelle eurent lieu tant de scènes déchirantes en 1975 lorsque les Khmers Rouges décidèrent de vider la ville en vingt quatre heures, n’est plus qu’un affreux bâtiment ruiné au milieu d’un parc dévasté dans lequel traînent encore des mines et quelques explosifs. Il parait qu’autrefois, c’était le plus beau parc de tout Phnom-Penh… Peut-être la France va-t-elle entreprendre la restauration des bâtiments et la remise en état des jardins, mais en attendant, le personnel du Quai d’Orsay s’est installé dans une villa dont l’état est à peu près satisfaisant, à deux pas de notre Hôtel Sakol Moy. Un drapeau bleu blanc rouge flotte entre deux palmiers. Il y a quelques voitures dans la cour cimentée et un garde à la porte. Une fois que l’on est entré, il faut encore enjamber pas mal de cartons parce que l’emménagement n’est pas terminé. J’y vais assez souvent pour aider le secrétaire de François, Monsieur Kosmala, qui est débordé. Le rez-de-chaussée est réservé aux Services Consulaires et au bureau du Deuxième Secrétaire. Le premier étage est le plus important parce que c’est celui de l’Ambassadeur et de sa secrétaire. Enfin, l’Attaché de Défense occupe  tout le second, avec son secrétaire et son chiffreur. Naturellement, il y a d’autres personnages, mais je ne les connais pas encore.

J’ai maintenant  bien envie de brosser une série de portraits, et comme on dit : « A tout seigneur, tout honneur » je vais commencer par l’Ambassadeur. Monsieur Philippe Coste est un petit bonhomme courtaud et bedonnant. Ses cheveux châtains sont peignés en arrière et vont former une petite bouclette dans le cou. Son visage est un peu poupin mais il a de petits yeux vifs, légèrement enfoncés, très pétillants. Il paraît qu’il rédige des télégrammes diplomatiques merveilleusement bien tournés en quelques minutes seulement. Mais il ôte ses chaussures et met ses pieds sur la table de son salon quand il reçoit. Grâce à cela, je sais qu’il porte des chaussettes grises ! Ca m’amuse beaucoup ! Il est assez affecté dans son langage, presque précieux, et il a des intonations parisiennes et salonnardes qui me donnent un peu envie de rire. Quand il n’a pas bien saisi quelque chose, au lieu de dire « Pardon ? » il dit « Plait-il ? » et il utilise toutes les ressources de la langue française, notamment les temps du passé, ce qui, à notre époque, est vraiment remarquable. Il est assurément fort intelligent. Je le crois également pourvu d’une bonne dose de cynisme agréablement enrobée sous des allures bonhomme.
Son épouse s’appelle Lilia. De taille moyenne, le teint pâle, les cheveux très noirs coupés de façon fort sophistiquée. Bien que jeune, sa silhouette rappelle celle des dames du dessinateur Faizan, pourvues de bustes généreux sur des jambes très fines. Elle est d’une froideur … polaire. Le bruit court que, pour accompagner son mari au Cambodge, elle a posé comme condition d’être nommée à un poste bien lucratif au Service Culturel. Après tout, pourquoi pas ? Elle y trône en permanence, en compagnie du Directeur, le Sieur Carasso, et de Lionel Véron son adjoint.

Ce couple a deux enfants très jeunes : Virgile et Zoé. Le petit Virgile a quatre ans. C’est un garçonnet malingre et chétif mais très gentil. Nous sommes allés ensemble une fois à Shianoukville, à la plage. Quelqu’un avait attrapé de petites méduses dans le sceau en plastique que ses parents avaient apporté pour qu’il joue avec. Debout devant ce petit sceau, très sérieux, alors qu’il regardait les méduses s’agiter doucement, il avait dit sur un ton sentencieux : « Ce sont des animaux sauvages, mais typiques… » J’en étais restée abasourdie….Quant à Zoé, elle est semblable à toutes les petites filles de deux ans. C’est encore un bébé. Très gourmande, elle est bien rondelette. Son père la prend sur ses genoux et dit en enfonçant son index dans son petit bedon : « Zoé, tu portes les stigmates de la gourmandise ! » ce qui fait rire la petite aux éclats, non de ce qu’il dit, mais parce qu’il la chatouille !

Le Sieur Carasso est long et maigre, il a le visage pâle et le cheveu grisonnant d’un personnage de théâtre du XVII° siècle. Il a le geste lent et le sourire ondulé, vaguement ecclésiastique … Cela ne l’a pas empêché de faire tout ce qui était en son pouvoir pour s’emparer de la villa de Monsieur Roze, alors que ce dernier, qui va quitter le Cambodge puisque sa mission est terminée, a proposé de nous la laisser. J’ai surnommé son adjoint, Monsieur Lionel Véron, « L’homme à l’ours ». Il est grand, blond et pâle. Son épouse est absolument minuscule. C’est une sino-khmère assez rondelette et qui porte d’énormes lunettes à monture en écaille noire épaisse. L’effet produit est étrange. Leur fils s’appelle Maxime. Il a déjà cinq ans, mais il est si chétif qu’il n’en paraît guère plus de trois. Quant à l’ours, il dort dans une cage au fond du jardin, environné d’un nuage de moustiques qui volètent dans le fumet du pauvre animal. Curieuse famille…

Bien sûr, depuis mon arrivée, j’ai rencontré beaucoup de gens, mais je veux finir cette galerie de tableaux avec le portrait d’un personnage tout à fait remarquable : Madame Annie Adam, secrétaire personnelle de Philippe Coste. Car c’est vraiment une figure ! Marie et moi aimons les surnoms. Nous les utilisons entre nous. Lorsque nous étions encore à Dakar, nous en avions décerné quelques uns. Il y avait « Superman » un Colonel très sympathique ; « Nageur infatigable » Monsieur Louis le Reste ; « Abdominaux d’acier » François ! Ici, nous avons déjà « Dupont et Dupond » le Commissaire Chassagne et l’Inspecteur Combo ; « Belles moustache » l’Adjudant Noslier qui a organisé notre cocktail et que nous aimons beaucoup ; « L’homme à l’ours » dont je viens de parler. Et « Le dragon ». Ce dragon là, c’est Annie Adam ! Je ne saurais dire son âge mais il me semble qu’elle doit avoir plus de quarante ans. Elle ne s’est jamais mariée. Annie est de taille moyenne et très maigre, les épaules et le buste spécialement étroits. Sa peau est très brune. Elle doit beaucoup s’exposer au soleil. Ses cheveux étaient probablement châtains à l’origine, mais elle fait faire des mèches blondes et crêpe le tout en crinière qui se dresse autour de son visage osseux. Cela me fait irrésistiblement penser à la chevelure de serpents de Méduse. Le plus remarquable ce sont ses yeux. Perçants et glacés. Même quand elle rit, ses yeux restent froids et vrillés sur son interlocuteur. Pour couronner le tout elle fume des cigares Davidoff ! J’ai maintenant compris pourquoi, alors que j’étais encore en France, occupée à préparer notre déménagement pour le Cambodge, François m’avait priée d’acheter des cigares de cette marque. Il pensait peut-être que ce présent lui adoucirait l’humeur. Mais feu et fumées ne sont ils pas caractéristiques draconiennes ! Non seulement elle terrifie tout le monde à l’Ambassade, mais elle brouille les gens entre eux en disant ce qu’il ne faudrait pas dire. Il parait toutefois que Son Excellence ne peut se passer de ses compétences.

Nous habitons toujours au Sakol Moy où maintenant tout nous est familier. Marie et moi avons, au cours de nos pérégrinations en ville, trouvé une petite Ecole Française, et elle s’y rend régulièrement. Cela l’occupe à des activités de son âge avec des enfants. Mais nous attendons les cours du CNED[1] qui seront bien plus appropriés à son cas. En fin d’après midi, nous sortons souvent. Soit nous sommes invités à un cocktail, soit nous allons boire quelque chose au « No Problem ». C’est une ancienne villa coloniale d’une grande beauté, entièrement restaurée, qui a été transformée en Bar chic. C’est là qu’ont lieu les réceptions les plus agréables. Et quelques fois aussi les dîners les plus ennuyeux…. Pour moi, du moins. L’autre soir, le jeudi 7 mai, n’en pouvant plus de rester assise à table à écouter les hommes parler, je me suis levée et me suis mise à visiter la villa. De toute façon, personne ne fait attention à moi, ce qui m’arrange bien. C’est ainsi que j’ai trouvé une exposition d’assez belles peintures à l’huile, dans une pièce réservée, toutes signées par un peintre chinois : Chen Ji. Après, il est venu se présenter à François qui parle couramment le chinois, ce qui n’est pas mon cas. Et je crois que nous nous reverrons souvent.

Nous nous apprêtons à reprendre la villa de Monsieur Roze et à en faire la Résidence de l’Attaché de Défense. Il faut demander la permission à Paris et sur place, discuter âprement avec Chan Ven, le propriétaire, un sino-khmer dur en affaires. Il y a aussi des querelles et des problèmes avec le personnel…. Cela prendra sûrement du temps.

Monsieur Xavier Roze est parti le 3 mai, en compagnie de la charmante Iris Muller, son amie. C’est la personne la plus sympathique que j’ai rencontré jusqu’à présent, et aussi la plus mignonne. Elle est petite et menue, très soignée et habillée sexy. Elle se fait faire des mèches blondes qui lui vont très bien. Et elle est toujours souriante, de la bouche et … des yeux ! Elle me donne des conseils et me fait part de ses opinons sur la situation, l’Ambassade et la vie ici. Elle a essayé de persuader Sitane – la gouvernante de la maison – de rester avec nous. Mais en vain. Sitane ira travailler chez le Sieur Carasso. Après tout, tant pis ! Je ne veux forcer personne à travailler chez moi contre son gré, et cela générerait sûrement des histoires. Elle m’a fait connaître un charmant restaurant au bord du Boeng Kak, le lac situé au nord-ouest de la ville, et lorsque nous sommes allés à Kompong Som[2] avec l’Ambassadeur, elle m’a prêté un maillot de bain et de la crème solaire. Alors que je les lui rendais, elle m’en a fait cadeau !

Quant à Monsieur Roze, François s’entend très bien avec lui. Il rentre à Paris, mais on dit que ce n’est que pour mieux revenir dans la région car il a été pressenti pour être Ambassadeur à Vientiane. Ce monsieur me semble très intelligent, voire même subtil. De plus, il est fort cultivé et a de l’esprit. Mais Philippe Coste et lui ne s’entendent guère. J’ai déjà remarqué que les hommes sont en perpétuelle rivalité, et plus ils occupent un rang élevé dans la société, plus âpre sont les luttes et amers les ressentiments. Je me demande bien pourquoi ? Peut-être voient-ils l’autre, le rival, comme une menace remettant en cause leur propre valeur ? Ou se sentent-ils eux-mêmes frustrés de la reconnaissance accordée aux qualités du rival en question ? Je ne suis pas un homme, et assurément trop naïve quelques fois pour comprendre pourquoi des gens de valeur ne peuvent s’entendre…. Revenons au monsieur qui a suscité mes perplexes réflexions. Il a demandé à François s’il ne voudrait pas être Attaché de Défense non résident au Laos. Je crois que François est assez séduit, mais pour l’instant, il est difficile de donner une réponse ferme parce que le poste de Phnom-Penh n’est pas encore installé.

Le second étage de la villa qui sert d’Ambassade de France est un vaste chantier sur lequel règne « Le Colonel ». Que je précise d’emblée quelque chose. Dès le début de ces quatre années passées au Cambodge, François a acquit une telle notoriété que, malgré les véritables légions de colonels qui ont séjourné ou sont passés à Phnom-Penh ou dans la région, quiconque disait « Le Colonel » n’avait pas besoin de préciser de qui il s’agissait. Pour tout le monde il était clair que c’était l’Attaché de Défense près l’Ambassade de France. De plus, à la maison – une fois celle-ci organisée et le personnel recruté – chaque fois que je parlai de mon mari, je disais aussi « Le Colonel » par déférence. C’est ainsi que, très rapidement, le grade a servi de nom propre. Ayant largement contribué à la création de ce phénomène, j’en conserverai l’habitude au cours de ce récit.

Je remonte donc au second étage de l’Ambassade parce que les digressions ne me font jamais perdre le fil de mes idées ou de mes souvenirs. Dans l’entrée, le bureau du secrétaire du Colonel : Monsieur Albert Kosmala. Il est aussi petit, maigre et rabougri que le Colonel est grand, fort et expansif. Son mince visage au nez pointu me fait un peu penser à une musaraigne. Monsieur Kosmala est souriant, gentil, mais fantaisiste. Quant il dit « Je vais vous attendre » on peut être tout à fait sûr qu’il va disparaître dans les meilleurs délais et qu’il faudra beaucoup de temps pour le retrouver. S’il annonce qu’il s’occupe d’une affaire sans tarder, il l’oublie instantanément. Puis il se justifie en invoquant des raisons beaucoup plus poétiques que rationnelles… Pauvre Monsieur Kosmala… Son petit sourire désolé me fait peine, mais je sais déjà qu’il est impossible à ces deux là de s’entendre. Que dis-je ! De coexister pacifiquement ! La suite le montrera bien…

Bon, continuons la visite des locaux. A gauche, une petite pièce occupée par le chiffreur. Puis le grand bureau du Colonel et, à côté, une autre chambre qui, jusqu’à présent, ne sert qu’à entreposer des cartons. Partout, un grand désordre. Quelques fois, je viens pour aider un peu Monsieur Kosmala parce qu’il a trop de choses à ranger et de textes à dactylographier. Or, il se trouve que, dans une autre vie, j’ai appris à taper à la machine, donc je suis en mesure de me rendre utile. Ca ne m’amuse pas beaucoup, mais que ne ferait une épouse pour rendre service à son mari ! Et j’avoue que ça me fait rire de me dire que, quelque part au Ministère de la Défense, pour lequel tout est « Secret » ou « Confidentiel Défense » on lit les textes que j’ai mis au net. Il s’agit de choses dont j’entends parler tous les jours et que je ne retiens pas parce qu’à mes yeux de femme, ce n’est pas réellement important…


[1] Centre National d’Enseignement à Distance. Etablissement public français qui dépend du Ministère de l’Education Nationale et dispense des cours à tous les niveaux aux élèves qui ne peuvent aller dans une école, pour raison de santé ou d’éloignement géographique.
[2] Sihanoukville.