"Shanghaï ... Me voilà !"
Séjour à Shanghaï du 20 au 30 octobre 2016
1 - Jeudi 20 octobre 2016
2 - Vendredi 21 octobre au soir
Deux ans ont passé.... Certes ! Mais, en pensée, je retourne souvent en Chine où je retrouve mes amis et toutes la vie à laquelle j'étais habituée autrefois. Aussi, récemment, ai-je pris la peine de mettre au net mes souvenirs de voyages. J'y raconte le plus simplement possible ce que j'ai vu et fait, et parfois, j'ajoute quelques réflexions. Voici le "texte-souvenir" de mon dernier séjour dans l'Empire du Milieu.
En ce jeudi après-midi 20 octobre de l’an de grâce 2016…
… il n’est encore que 15
heures. Je suis assise dans ma véranda, à La Musarsière. J’attends mon amie
Michèle qui va venir me chercher et m’emmener à la gare de Saumur prendre un
TGV pour Roissy-Charles de Gaulle. De
là, je vais m’envoler pour … la Chine ! Le décollage est prévu aux
environs de 23 heures, mais, avec le décalage horaire, j’arriverai à Pudong International Airport dans l’après-midi
de demain.
Ce n’est certes pas mon
premier envol pour la Chine. Loin de là ! J’y suis allée maintes et
maintes fois depuis mon tout premier départ pour Taipei en … Au fait, en quelle
année était-ce donc ? Il me semble que c’était fin août 1978. Après, j’ai
travaillé et vécu en Chine – ou dans les pays périphériques, appartenant à la
« sino-sphère » - durant la presque totalité de ma vie professionnelle.
C’est pourquoi j’étais devenue une habituée des grandes lignes aériennes extrême-orientales.
Mais cette fois, c’est différent. Je ne fais plus partie du monde des
ambassades, et voilà déjà quelques années que je suis revenue de Zhu-Hai, où
j’ai occupé mon tout dernier poste de Maître de Conférences. Je vais donc en
Chine pour le plaisir !
Et je suis invitée par Edouard,
un jeune monsieur chinois. Invitée « à l’orientale ». C’est-à-dire
que, non content de m’offrir le billet d’avion, il a également fait une
réservation pour moi dans un hôtel situé non loin de ses bureaux.
Michèle n’est pas encore là
… Les souvenirs affluent par vagues.
Je revois Edouard, tout
jeune étudiant, tel que Victoria me l’avait présenté : petit et maigre
comme un chat de gouttières, jean
délavé et T-Shirt bleu pâle, les yeux
vifs et le visage rond, surmonté d’étranges cheveux vaguement crépus. Discret
mais toujours présent aux côtés de cette étudiante française devant laquelle il
était, de toute évidence, en adoration… Ils parlaient à la fois le français et
le chinois, avec quelques mots d’anglais lorsqu’ils étaient à cours de
vocabulaire approprié. Leur amitié avait duré bien au-delà des années
nécessaires à l’obtention de leur Licence puis de leur Maîtrise. Et Edouard
était vite devenu un familier de la Résidence diplomatique, avant de faire de
longs et fréquents séjours dans ma propriété angevine. Un jour, alors que ma
vie avait pris une nouvelle orientation, j’avais appris – sans grande surprise
- que tous deux vivaient ensemble à
Shanghaï, filant le parfait amour.
Puis, les choses s’étaient
gâtées. Exerçant chacun une profession très exigeante, et investis de lourdes
responsabilités, ils n’avaient plus guère le loisir de passer de bons moments
ensemble, comme au bon vieux temps où ils étaient encore étudiants. Victoria,
embauchée par une grande firme internationale, passait sa vie en avion, et la
fatigue lui aigrissait l’humeur. Edouard, comme tous les hommes d’affaires
chinois, finissait toutes ses soirées dans des restaurants, à boire avec ses
partenaires. Un soir, au lieu de rentrer seul dans l’appartement vide, arriva
ce qui devait arriver… C’est ainsi qu’il rencontra Valentine, celle par qui le
drame éclaterait.
Au contraire de Victoria,
jeune femme surdouée, dont l’intelligence brillante et l’indéniable charme
physique fascinaient tous les hommes de son entourage, Valentine représentait
la femme plus traditionnelle, occupée avant tout à plaire aux hommes. Comme
elle avait joué quelques petits rôles de figurante dans des courts métrages, elle
s’était parée du titre d’« actrice », qui devait lui sembler
valorisant. Victoria ne passait pas inaperçue, donnait son opinion et prenait
des décisions avec autorité. Valentine était plus effacée … en apparence du
moins. Le conflit était inévitable. Un jour, Victoria somma Edouard de faire un
choix. Elle n’entendait pas le partager.
C’est alors que Valentine,
craignant que l’artillerie ennemie la contraigne à une humiliante défaite,
décida d’avoir recours à l’arme absolue, botte de Nevers d’autrefois, missile à
tête nucléaire d’aujourd’hui : le suicide. Heureusement pour elle – et
pour tout le monde – sa tentative échoua. Mais ce fut suffisant pour prouver sa
détermination. Edouard et Victoria se séparèrent. Victoria, bénéficiant d’une
belle promotion, quitta Shanghaï pour Paris La Défense, et ne tarda pas à se
marier. Quant à Edouard, il épousa Valentine dès qu’elle fut remise, et leur
mariage fut béni des dieux car ils eurent des jumeaux. Deux petits garçons. Le
rêve de tout chinois !
Cette histoire, fort
heureusement, se termine bien. Mais elle m’en rappelle une autre, qui eut lieu
à Taïwan, peu de temps après mon arrivée. Donc, probablement en 1979. Deux
étudiants s’aimaient d’amour tendre et voulaient se marier. Mais leurs familles
étaient ennemies, exactement comme les Capulet et les Montaigu. Leurs pères
refusèrent d’écouter médiateurs et intercesseurs, et intimèrent aux jeunes gens
l’ordre de ne plus se voir. Mais le père du jeune homme avait une résidence secondaire.
Le garçon prit la clef, invita son amie, et tous deux, après avoir rédigé une
lettre pathétique pour expliquer leur décision, burent un poison mortel.
Quelques jours plus tard, on les retrouva, étendus côte à côte, main dans la
main, sur le grand lit de leurs parents…
Les deux familles étaient
ainsi déshonorées à jamais.
Mais revenons à Edouard et
Victoria. Aujourd’hui, ils sont mariés, ont des enfants, et je les espère
heureux. Toutefois, considérant que leurs affaires de cœur ne me concernent
pas, mes sentiments envers eux n’ont pas changé d’un iota. La seule différence
est que je ne les vois plus ensemble. Donc, malgré leur séparation, de même que
je continue à voir régulièrement Victoria et sa famille, j’ai toujours gardé
avec Edouard les excellentes relations que nous avions dans le passé. Devenu un
brillant et richissime homme d’affaires, Edouard voyage maintenant de par le
monde. Lorsque ses intérêts l’amènent en France, il lui arrive de venir jusque chez
moi – j’habite pourtant loin de la capitale – et d’y passer trois jours ou
quelques heures, selon ses disponibilités.
C’est ainsi que le lundi 16
novembre 2015, Edouard était arrivé à La Musardière, en compagnie de Jay, un
autre de mes amis chinois dont il avait fait la connaissance à Paris par le
plus grand des hasards. Avec lui : deux collaboratrices. Quelles
retrouvailles ! Cris de joie, présentations, embrassades, photos dans la
véranda avec le Professeur Sorenson qui venait également d’arriver chez moi
après une très longue absence … Puis nous décidâmes d’aller tous ensemble
embrasser ma mère dans sa maison de retraite …
Vient enfin le moment de se
séparer. Je me pends au cou d’Edouard qui me serre dans ses bras.
« J’étais si heureuse
de te revoir ! Quelle joie tu m’as faite ! »
« Mimi, si je
t’invites, tu viendras à Shanghaï ? »
« Ouiiiii ! »
Et voilà pourquoi je
m’apprête à repartir en Chine.
Y retrouver Edouard sera
une vraie joie, mais je compte bien revoir également Alice, une des deux jeunes
femmes qui l’accompagnaient ce jour-là. C’est que nous avions éprouvé une sorte
de coup de foudre réciproque, et que, depuis cette mémorable rencontre, nous
sommes toujours en relations via WeChat, le réseau social qui équivaut à
Facebook en Chine. Elle est Taïwanaise, spécialiste en design, elle s’occupe toujours des décors pour les bureaux, les
plateaux de tournages des clips de publicités de luxe – c’est le travail
d’Edouard – ou bien elle relooke bars,
salles de conférences ou d’expositions … Elle voyage beaucoup et parle
plusieurs langues. Voilà les jeunes comme je les aime !
En outre, Victoria qui a
toujours de nombreuses amies et relations à Shanghaï, a prévu pour moi visites
et rencontres. La « mafia » des amis chinois est déjà sur le pied de
guerre, et je suis très attendue !
Amélie et Alice
J’ai soigneusement préparé
mon voyage. Quant à ma maison, je la laisse, comme d’habitude, aux bons soins
de mon ami Nicholas Schönpeliss. Mon organisation est sans faille. Et, comble
de bonheur, hier soir, j’ai retrouvé un médaillon auquel je tiens beaucoup et
que je craignais d’avoir perdu parce que je ne me souvenais plus de l’endroit
où je l’avais mis. Il ne faut jamais changer les affaires de place sans raison.
Je ne suis pas superstitieuse, mais de l’avoir retrouvé m’a semblé être un heureux
présage !
Ah ! Voilà
Michèle ! Je me saisis prestement de ma valise et m’engouffre dans sa
Twingo. En route !
Aéroport International Roissy Charles de Gaulle
Les heures passent vite, en
voyage. De Saumur, un TER m’a menée jusqu’à Saint Pierre des Corps où je suis
montée dans un TGV pour Roissy. Il doit y avoir un mauvais sort, ou une
antipathie, une sorte d’incompatibilité entre les TGV et moi, car, à chaque
fois que j’en prends un, il a du retard. A moins que ce ne soit la SNCF qui ne
manque totalement de fiabilité … ? Mais comme j’avais pris des marges
considérables, je n’ai point pâti de ce nouveau non-respect des horaires.
Maintenant, il est déjà 22
heures, et je suis à Roissy 2 E. Roissy est un véritable monde en soi. Dans sa
générosité, Edouard m’a offert un billet surclassé – Air Premium – ou quelque
chose comme ça. Il faut maintenant imprimer soi-même ses cartes d’embarquement
avant d’aller faire enregistrer ses bagages et mettre l’étiquette sur sa
valise. Tout ayant changé, et très vite, je ne suis pas habituée. Mais j’ai eu
de la chance, les hôtesses m’ont aidée, et le monsieur qui s’est occupé
d’enregistrer ma valise a été charmant.
En me souvenant de mon tout
premier voyage en avion, j’ai eu une bouffée de mélancolie. Orly était alors l’unique
Aéroport International. Le Bourget était un aéroport militaire. J’étais
terriblement jeune. Tout me paraissait merveilleux et intéressant. Le personnel
au sol – ou navigant – traitait chaque passager comme un VIP. Et les dits
passagers s’habillaient, faisaient enregistrer des valises Vuitton, et se
tenaient très bien. Ayant un assez long moment d’attente, alors que je
considérais mon passeport pour tuer le temps, j’avais remarqué qu’on n’y
mentionnait pas ma taille. Donc, prenant mon stylo, j’avais soigneusement
calligraphié : 1,60 m. Ainsi, c’était complet. Et bien qu’ayant un peu triché à la hausse, car
je suis plus petite, je me sentais tranquillisée.
A l’heure actuelle, il
n’est plus possible d’écrire sur un Passeport ! Mais autrefois, tout était tellement plus
simple… Et pourtant les passagers se sentaient parfois nerveux.
« Stressés » dirait-on de nos jours. Mais à cette époque, ce mot- là
n’avait pas cours. C’est qu’on ne prenait pas l’avion pour un oui pour un non
comme aujourd’hui. Je désapprouve le tourisme de masse et l’extrême
complexification des procédures administratives et des contrôles. Cela me met
mal à l’aise. Moralement. Je pense que le Beau, le Juste, le Bon, doit être Simple, clair et net. C’est le Malin
qui aime les embrouilles, les complications, les affaires imbriquées les unes
dans les autres, les labyrinthes administratifs, l’opacité. Les gens vont
répétant que, de nos jours, tout est possible et tout est facile. Mais ce n’est
pas vrai. La surpopulation de notre pauvre planète rend les choses infiniment
plus difficiles qu’autrefois. Quant à la soit disant facilité, elle n’est
qu’apparente. Mais je comprends bien, hélas, que, notre monde grouillant de
malfaiteurs, de gangsters et de terroristes, il faille prendre des mesures pour
assurer la sécurité de tous.
Une nuit à dix mille mètres d’altitude …
Me voilà confortablement
installée dans un Airbus 380. Il mérite bien son nom de très gros porteur et
long courrier, car il peut transporter des tas de centaines de passagers – jusqu’à
800, peut-être ? – sur de grandes distances. Ce qu’il y a de plus
remarquable, c’est qu’il a deux étages ! Et j’ai un siège dans le « upper deck ». Autrefois, je
voyageais toujours en Boeing 747. Je trouvais ces avions fort beaux et confortables. On avait encore assez
de place et je pouvais regarder des films sur les écrans placés en hauteur,
avec les écouteurs dans les oreilles pour ne pas gêner les dormeurs. Cet énorme
A 380 est très différent. Chaque siège est bourré d’électroniques. On a le
choix entre des dizaines de films, de musiques, de jeux ou d’autres programmes,
des langues différentes, des sous-titres, enfin … un choix infini. L’écran est
digital, mais c’est si compliqué que je n’y arrive pas du tout. De plus, la
distance entre mes yeux et l’écran est intermédiaire. Je veux dire par là que
l’écran est trop proche de mes yeux pour que je conserve mes lunettes simples,
mais trop loin pour que je mette mes lunettes de lecture. En conséquence, je ne
peux plus regarder de film. Mais cela ne me dérange pas. J’écris ou je somnole.
Le plus amusant étant de parler à son voisin quand cela est possible.
Ce voisin, en l’occurrence,
est une voisine. Elle voyage en compagnie d’un garçonnet d’une dizaine
d’années, tout affairé – lui – avec l’écran tactile du siège. Nous commençons
par échanger quelques politesses, puis, nous essayons de somnoler, mais bien
avant que l’on nous serve le petit déjeuner, nous avons une conversation
beaucoup plus intéressante. Je me présente : Amélie de la Musardière,
écrivain. Elle s’appelle Sabine et travaille dans l’industrie pharmaceutique.
Elle est jeune, mince, brune et elle a de très belles mains. L’air intelligent.
Son époux est chirurgien et il essaie de sauver les malades atteints de cancers
du poumon quand ils sont opérables. Nous faisons des commentaires sur
l’environnement et les changements sociétaux actuels. Je m’aperçois très vite
qu’elle et moi pensons exactement la même chose sur bien des sujets, mais –
est-elle un peu timide, ou trop « politiquement correcte » ? –
elle n’ose donner son opinion aussi franchement que moi. Toutefois, elle rit
d’aise quand « je » formule « ses » idées !
Il est vrai que nous vivons
à une époque où l’on n’est pas supposé dire ce que l’on pense. Surtout quand il
s’agit de bon sens. Dans son « Discours de la Méthode », notre bon
René Descartes a écrit : « Le bon sens est la chose du monde la mieux
partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont
les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en
désirer plus qu’ils en ont. » En effet, chacun pense être plus intelligent
et plus sage que les autres. Mais Descartes poursuit, et là, je le trouve bien
optimiste. « En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se
trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et
distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens
ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi, que
la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus
raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos
pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. » Personnellement,
je crains fort que le bon sens soit moins bien réparti entre les hommes que ne
le pensait Descartes. Et je dirais même volontiers avec Voltaire que :
« L’homme est un mauvais singe. »
Mais je ne suis pas venue
en Chine pour donner des cours de littérature, cette fois. Non ! A travers
le hublot, je regarde approcher la terre, et mon excitation croît de façon
inversement proportionnelle à notre altitude ! Je vois l’embouchure
du Fleuve Bleu, le quadrillage des
champs cultivés, puis les établissements humains de plus en plus denses … C’est
la Chine ! Mon second pays. La civilisation qui a changé mon regard sur la
vie, ma façon de penser, et m’a ouvert de vastes horizons dans tous les domaines.
Cette civilisation grâce à laquelle je ne dirai jamais : « Comment
peut-on être Persan ? ».
Vendredi 21 octobre au soir,
Shanghaï Merry Hotel
Voici le "Merry Hotel"
On peut voir le reflet d'une petite pagode sise au sommet de la terrasse du bâtiment bas qui est juste devant. A la fin de mon séjour, la femme de chambre de l'étage m'avait demandé si je voulais bien remplir un Questionnaire de satisfaction. Ayant passé un excellent séjour et beaucoup apprécié l'hôtel, mes commentaires avaient été fort laudatifs. Peu de temps après, j'ai reçu un courriel de remerciement !
Toute une journée en
quelques heures. Et maintenant, je suis incapable de dormir. Cela tombe très
bien ! Je vais ainsi pouvoir noter faits et impressions afin d’en
conserver précieusement le souvenir.
Voilà. Nous arrivons. Après
dix ou onze heures de vol, notre vaisseau spatial atterrit sur la Planète
Chine ! Tout y est brillant. Les gens sont terriblement jeunes, avides,
joyeux, et « cool » … Les
longs couloirs de ce splendide aéroport de Pudong sont décorés d’immenses
posters publicitaires de toute beauté. Les moins réussis sont ceux de la HSBC.
Mais dans l’ensemble, c’est très beau et ils affichent côte à côte des images
de la Chine millénaire et de la nouvelle Chine. Ah oui ! Je suis bien loin
des sinistres couloirs de béton gris de Roissy ; des annonces
alarmistes : « Ne laissez pas votre sac sans surveillance ou il sera
immédiatement porté à la destruction…. » ; de ce désert humain dans
lequel on pourrait se faire attaquer, violer, voler et couper en menus morceaux
avant qu’un seul être humain s’en aperçoive … Ici, il y a du monde partout. Du
personnel pour guider et renseigner les passagers, très aimable. Des gardes en
nombre pour rassurer. De la chaleur et de la vie !
Et ce qui frappe le plus,
c’est que tout le monde a l’air heureux. Je sais bien que, depuis Monsieur
Cromagnon, tout le monde a ses problèmes, mais telles sont les apparences. Dans
un petit coin de ma mémoire, s’allume un modeste souvenir. Il y a quelques
temps, alors que j’étais allée rendre visite à un de mes frères qui demeure en
région parisienne, je m’étais égarée en voulant reprendre l’autoroute A 11 pour
rentrer chez moi. Si bien qu’au lieu de rouler en direction du sud-ouest, je
m’étais retrouvée … face à l’Arc de Triomphe ! Or, j’ai la réputation
d’avoir, depuis l’enfance, le sens de l’orientation – ce qui d’ailleurs, m’a
sauvé la vie une fois – Mais là ! Quelle ironie ! Je me retrouvais à
l’opposé ! Arrêtée à un feu rouge, je riais « à ventre
déboutonné » comme on disait autrefois, et tapais des mains sur mon
volant en me traitant de génie ! Mais, le feu rouge durait. Alors, j’avais
jeté un coup d’œil à droite – un monsieur très chic me dévisageait, scandalisé,
du haut d’une superbe Porsche Cayenne noire – et à gauche, une belle dame, au
volant d’un Coupé Mercédès gris métallisé, me regardait, ébahie, tout en … se
rongeant les ongles. Seigneur ! Ces gens-là n’avaient donc jamais vu quelqu’un
rire de bon cœur ? Tous deux
avaient des têtes d’inquisiteur dominicain à l’issue d’un procès … Mais comme
je suis iconoclaste – parfois - ces deux personnages à la triste mine n’avaient
fait que redoubler mon fou rire !
Ici, à Shanghaï, je me sens
d’emblée en harmonie avec l’environnement. Riant d’aise, je marche d’un pas
allègre vers le Contrôle des Passeports. Je flotte sur un petit nuage rose
frangé d’or. J’ai vingt ans et des ailes aux pieds ! Le monde est à
moi ! C’est le bonheur !
Au Contrôle, je fais la
queue pendant bien longtemps, mais sans impatience aucune. Je suis bien.
Parfaitement bien ! Puis je récupère ma valise et je trottine joyeusement
vers la sortie, où je retrouve Edouard.
Il est toujours le même. Jean bleu pâle un peu usé, et T-Shirt à manches courtes. Cette fois,
il est gris au lieu d’être bleu. Ses joues sont peut-être un peu plus rondes,
mais il n’y a aucune différence d’aspect entre le petit jeune d’autrefois et je
riche Monsieur d’aujourd’hui. Il est « lui ». Ecouteurs aux oreilles,
smartphone en main, il a encore l’air d’un étudiant, mais le sourire de ceux
qui ont réussi leurs examens ! Il ôte ses écouteurs. Nous nous embrassons,
et continuons la conversation exactement comme si nous nous étions vus hier
soir.
« Salut Mimi !
T’as fait bon voyage ? »
« Oui. Super ! En
Airbus 380 ! »
« Bon. Je t’emmène à
ton hôtel, mais … Je sais plus où j’ai garé la voiture… »
Et nous voilà à la
recherche de sa Cadillac. Oui. Parce qu’il n’est plus étudiant, et qu’une
voiture de luxe étrangère donne beaucoup de « face » à un homme
d’affaires chinois. Mais s’il l’a prise aujourd’hui, ce n’est pas pour
« frimer », non, c’est uniquement pour me faire plaisir parce qu’il
sait que j’adore les belles voitures. Il m’avait d’ailleurs envoyé des photos
lorsqu’il en avait fait l’acquisition. Cela m’avait beaucoup touchée.
Nous en mettons, du temps, pour
aller de Pudong au centre de Shanghaï ! Nous allons au Merry Hotel – le bien nommé – tout proche de l’ancienne Concession
Française, où Edouard a ses bureaux. C’est un très bel hôtel 4 étoiles, une
tour fort haute, sur la façade de laquelle se reflète un pagodon sis au sommet
d’un petit immeuble en contre-bas. Comme à l’aéroport, c’est l’alliance de la
Chine ancienne et de la Chine moderne. Nous montons dans ma chambre. Magnifique !
Et pendant qu’Edouard re-paramètre mon smartphone, je prends une bonne douche
chaude et passe une robe de velours noir pour aller dîner.
Mais avant, je lui offre
mon cadeau. Cela n’a pas été facile de trouver quelque chose d’approprié. J’ai
même dû demander des conseils à Victoria, parce qu’elle le connait mieux que
personne. Et finalement, j’ai choisi une tapisserie. La reproduction d’une
ancienne scène assez célèbre montrant les vendangeurs, culottes roulées,
sautant joyeusement dans le pressoir pour écraser les raisins.
De toute évidence, il ne
s’attendait pas à ça ! Il reste sans voix et contemple, silencieusement,
cette charmante saynète bucolique … un long moment … Puis, il se remet, tâte et
retourne la tapisserie, recule, se rapproche … Enfin, il dit :
« Que c’est
beau ! Je vais l’accrocher à la maison. Comme ça, les jumeaux en
profiteront. »
Je suis vraiment heureuse
parce que je sens qu’il est sincère. Mais je pensais qu’il la mettrait dans son
bureau. Cette remarque m’en dit long sur l’amour qu’il porte à ses petits
garçons …
Les Vendanges - Tapisserie médiévale -
Il m’emmène dîner dans un
beau restaurant Thaï, mais … il est déjà 21 heures et nous sommes en Chine. On
ne le sert que parce qu’il est hyper connu et très riche. Sinon, on nous
enverrait promener, car les chinois mangent terriblement tôt. A partir de 18
heures. C’est une des rares choses à laquelle je n’ai jamais pu m’habituer … Ce
restaurant est dans un grand centre commercial de luxe qui ressemble à ce que
j’ai vu des « Malls »
américains dans les films. C’est-à-dire, cérémonieux et glacials. Pas du tout
mon genre. Mais cela m’est tout à fait indifférent. Je suis euphorique !
J’admire les énormes souches sculptées et le paon blanc naturalisé, et bien que
ma robe soit fort décolletée, je suis si heureuse d’être là que même la
climatisation « à la glace » ne réussit pas à me refroidir !
Et, alors que je continue
de flotter sur un petit nuage de délicats duvets blancs frangés de ravissants
cristaux de glace, Edouard me reconduit à mon hôtel sous une pluie fine et
persistante, caractéristique des queues de typhon. Cela me fait revenir à
Taïwan autrefois … Puis, à Zhu-Hai … Enfin, cela me rajeunit, me ravit,
m’euphorise !
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